Fascinés par l’Olivier, Mathilde et Matthieu -In Olio Veritas- parcourent la planète à la rencontre d’oléiculteurs pour saisir les enjeux de la culture, de la production et de la consommation d’huile d’olive. Retrouvez leurs découvertes au KENYA
Auteur/autrice : In Olio Veritas
L’huile d’olive libanaise, en quête d’identité
[ARCHIVE] Selon le Ministère de l’Agriculture libanais, le Pays du Cèdre est aujourd’hui planté de 13 millions d’oliviers principalement de variétés autochtones – Souri, Baladi – sur 22% de la surface agricole totale du pays. Plus de 50% des agriculteurs libanais travaillent dans cette culture, soit près de 100 000 personnes.
Les noyaux d’olive
Contrairement aux pastèques ou aux clémentines sans pépins, la génétique n’a pas encore réussi à produire des olives sans noyau pour les salades ou les pizzas… Et heureusement ! Car les noyaux ont un rôle clé dans le fruit qu’est l’olive, mais aussi pour l’extraction de son huile et, même une fois isolés, dans les constructions écologiques, le chauffage zéro déchet, la cosmétique naturelle et bien d’autres usages insoupçonnés. Enquête au cœur de l’olive. Propos recueillis par @in olio veritas
(Dé)connexion avec la Nature chez Finca Abril
Frank et Hélène sont marins. Il est capitaine de yachts de luxe et elle a monté son entreprise de travaux sous-marins à Porquerolles. Rien ne les prédestinait donc à s’attacher à des terres. C’est pourtant au fin fond d’une vallée surplombant le Delta de l’Ebre, au sud de la Catalogne, qu’ils ont ancré leur récente passion pour les oliviers. Loin des câbles et des paillettes, en connexion avec la Nature. Propos recueillis par © In Olio Veritas.
C’est en 2016 qu’Hélène et Frank ont un coup de foudre pour les oliviers. Ils cherchent à acheter une parcelle d’abord en France, près de leur lieu de vie à Porquerolles, puis en Italie, mais les prix sont trop élevés pour une aventure encore un peu floue. C’est dans la région du Delta de l’Ebre, réserve naturelle entre mer et montagne au sud de la Catalogne, qu’ils trouvent leur bonheur : la Casa Maria, une minuscule finca – abri agricole traditionnel – et ses trois hectares d’oliviers en terrasses verticales. Le cabanon de pierre était encore dans son jus, avec son puits, son échelle de récolte, sa minuscule mezzanine et bien sûr son calendrier érotique accroché au mur.L’oliveraie de la Finca Abril au petit matin. – © In Olio Veritas
Ils entreprennent quelques travaux de restauration, et acquièrent très vite deux nouvelles parcelles d’oliviers avec deux autres fincas, dont la Finca Abril où nous avons logé. Leur objectif est d’apporter un peu de confort tout en préservant l’authenticité des lieux, et surtout dans une démarche écologique. En s’adaptant à l’environnement local ils atteignent l’autonomie dans la sérénité.
Tout d’abord : l’électricité. Pour profiter du soleil qui inonde cette région toute l’année, ils installent six panneaux solaires de 200 Watts chacun sur le toit le la Finca Abril, permettant d’alimenter les appareils électriques à faible consommation. Pas de fer à repasser ni de radiateur électrique donc, mais on peut recharger son appareil photo après une journée de balade dans le maquis.
Ici, pas de réseau public d’eau potable, qui est une ressource de plus en plus rare dans la région. Qu’à cela ne tienne, la maison est équipée d’une citerne souterraine d’une capacité de 7000 litres qui récupère l’eau de pluie, et d’un système de recyclage pour profiter du précieux liquide au maximum. On peut ainsi cuisiner, se doucher, arroser le jardin ou encore alimenter le sauna et le bain nordique installés par Franck au milieu des oliviers, le grand luxe !
Pas de wifi, ni de réseau téléphonique non plus. Au milieu des oliviers et des amandiers, on prend le temps de vivre ensemble, d’observer la nature, d’apprécier les choses simples, de rêver… Seul Benjamin, le fils d’Hélène, sait où trouver une once de réseau en haut d’un muret de pierre pour envoyer de rares textos et donner rendez-vous à ses amis pour aller faire du kite-surf dans le Delta.
Pour s’occuper des oliviers, Hélène et Franck viennent dès qu’ils le peuvent, et s’appuient sur leurs voisins oléiculteurs. En cette première année de production, ils ont obtenu 300 L d’huile d’olive biologique vendue sous la marque Finca Abril. Ils comptent augmenter les volumes au fur et à mesure, et diversifier les productions. Ils viennent ainsi d’acheter une parcelle d’orangers en terrasse à Bitem près de Tortosa, nouveau coup de cœur de Franck qui estime qu’il s’y trouve un trésor…
Pour vendre leur huile d’olive et autres produits du terroir ensoleillé, Hélène et Franck rêvent de faire un long roadtrip en foodtruck, qui les mènerait d’Espagne jusqu’au Danemark, en prenant le temps de visiter, de savourer et de rencontrer les passionnés de gastronomie sur leur trajet. C’est le début d’une grande aventure, entre mer et oliviers donc, et les deux marins doivent l’avouer : « on s’attache vraiment aux terres ! ».
POUR RÉSUMER
- Producteurs : Hélène Megret et Franck Debyser
- Marques : Finca Abril, Casa Maria
- Depuis : 2016
- Lieu : région du Baix Ebre, province de Tarragone, en Catalogne
- Oliveraie : 9 hectares
- Variétés : la Morruda (DOP) – Sevillanca (DOP) – Arbequina
- Récolte : manuelle, en octobre
- Moulin : Mas de Flandi (Calaceite, en Aragon)
- Production : 300 litres en 2019
- Autres produits : amandiers, orangers
- Spécificités : biologique
Pour en savoir plus sur les huiles d’olive d’Hélène et Franck, rendez-vous sur :
Retrouvez tous nos articles sur l’oléiculture en Espagne, par ici !
[oléiculture en Espagne] La Cova Fumada, une passion à partager
L’huile d’olive mériterait une place bien plus grande dans le cœur des consommateurs ! Cécile a le parlé franc, une créativité débordante et l’envie folle de partager sa passion pour l’huile d’olive, de faire savoir la beauté et la richesse de ce précieux or vert. Elle nous emmène visiter son oliveraie au sud de la Catalogne et nous présente différents acteurs clés de la région. En route ! Propos recueillis par © In Olio Veritas
[oléiculture en Espagne] Les douze travaux de Xavier Guilera de Oli Coll del Alba
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La Ferme des Callis, petit paradis des huiles d’olive
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Le Domaine des Possibles : une reconversion engagée
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La recette secrète du fruité noir provençal
Maître Oliveron sur un arbre perché, cueillait en novembre ses olives… Maître Cornille par l’odeur alléché, lui tint a peu près ce langage : « portez donc en mon moulin vos vertes olives, qu’ensemble nous les pressions en cuvée traditionnelle au délicieux fruité noir ». C’est ainsi que depuis le XVIIème siècle, le Moulin Cornille recueille les olives de nombreux oléiculteurs des Baux-de-Provence pour les transformer en une huile unique au monde au arômes d’olive noire, de tapenade voire de cacao. Découverte de ce savoir-faire exceptionnel.
BD – La sélection des olives de Nyons
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Retrouvez tous nos articles sur l’huile d’olive en France par ici !
La fabrication des olives noires à la Coopérative du Nyonsais
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BD – Le magnétisme des oliviers
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Sur la route de l’Huile d’Olive, à la découverte de l’oléiculture, de la production, de la gastronomie et des enjeux de l’or vert… L’instagram
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Olives et huile d’olive en Iran
C’est au mois d’avril, juste après la fête de Norouz qui marque le nouvel an Perse, et en plein pendant la crise économique suivant le retour des sanctions américaines, que nous posons nos valises en Iran, pour en savoir plus sur la culture de l’huile d’olive dans ce superbe pays.
Histoire ancienne et moderne de l’huile d’olive au Japon
Peu de personnes le savent en Europe, ni même au Japon, mais il existe une production d’huile d’olive sur l’archipel nippon ! Principalement concentrée dans la préfecture de Kagawa, et plus précisément sur l’île de Shōdo, cette culture a commencé il y a plus de cent ans, peu après l’ouverture du pays sur le monde extérieur. Tour d’horizon de ce siècle d’existence avec Kubota Takeyasu, Directeur de l’Institut de Recherche Olélicole de Shōdoshima, et Shibata Hideaki, Chef du panel d’analyses sensorielles de ce même institut.
L’huile d’olive japonaise : quand la passion l’emporte sur la raison
Il y a 150 ans, le Japon ouvrait ses portes et ses ports au monde extérieur, et ce faisant à des cultures – dans tous les sens du terme – qui lui étaient jusqu’ici inconnues. Parmi celles-ci, les olives et leur huile, qui ont peu à peu réussi à séduire une petite frange de la population, dont quelques passionnés qui se sont lancés avec enthousiasme dans l’oléiculture. Contre vents et marées pourrait-on ajouter, car le Japon est loin d’être une terre hospitalière pour l’olivier.
Long Jin Yuan – Chine
- Producteur : Wang Rui
- Marque : Long Jin Yuan
- Année : 2015
- Lieu : Longnan, Gansu, Chine
- Oliveraie : 130 hectares
- Variétés : Arbequina, Hojiblanca, Picual, Koroneiki
- Récolte : d’octobre à novembre, à la main
- Production : 300 000 L par an
- Autres produits : infusion d’olivier, vinaigre, liqueur et vin d’olive
- Spécificités : possède sa propre pépinière d’oliviers
Nouveaux entrants de l’huile d’olive chinoise, déjà si grands !
Le long d’une grand avenue grisâtre de la ville de Longnan, notre chauffeur s’arrête soudain sous un porche. Nous avons l’impression de débarquer chez un particulier. Oui et non, c’est aussi le siège et l’usine de Long Jin Yuan, entreprise familiale de production d’huile d’olive, qui atteint déjà près de 300 000 L d’huile d’olive par an. Mais aussi plein de produits dérivés de l’olive, disons, originaux… Rencontre avec la jeune Wang Rui.
In Olio Veritas – Pourriez-vous nous raconter un peu l’histoire de votre toute jeune entreprise ?
Wang Rui – En 2015, mon père, qui était pépiniériste à l’époque, a décidé d’étendre son activité à l’olive étant donné les incitations du gouvernement et le succès du secteur. Il a donc planté des arbres sur une centaine d’hectares dans les montagnes au dessus de chez nous, a fait construire un hangar pour y installer les deux lignes de production dans lesquelles nous avons investi, et un bâtiment pour les cuves, la mise en bouteille et le stockage. Un an plus tard, en 2016, c’était parti, nous produisions notre huile. L’année suivante, j’ai obtenu mon diplôme à l’Université d’Agriculture de Chengdu, et j’ai rejoint l’entreprise. Je m’intéresse surtout à la distribution. Aujourd’hui nous sommes près de 30 personnes à travailler pour l’entreprise.
IOV – Quelles sont les variétés de vos arbres et de vos huiles ?
Wang Rui – Ce sont principalement les nouvelles variétés espagnoles cultivées dans la pépinières de l’institut de recherche sur l’olive : Arbequina, Hojiblanca, Picual, mais aussi quelques Koroneiki. Nous mélangeons toutes les variétés lors de la récolte en novembre, donc notre huile est un mix de tout cela.
IOV – Quels produits fabriquez-vous à partir de tous ces oliviers ?
Wang Rui – Avant tout de l’huile d’olive vierge extra. Nous en produisons près de 300 000 litres par an. Mais nous avons souhaité diversifier les produits pour éviter les déchets et proposer une offre originale. Nous produisons par exemple des tisanes de jeunes feuilles d’olivier, du vinaigre d’olive, mais aussi du vin d’olive et de la liqueur d’olive, à partir des grignons que nous faisons fermenter dans de larges amphores. Nous aimons bien expérimenter, et les clients qui connaissent l’huile d’olive semblent en apprécier ses dérivés.
IOV – Pour l’instant, quels sont vos canaux de distribution ?
Wang Rui – Nous vendons dans de nombreuses boutiques ici, dans la région de Longnan, ainsi qu’à Canton et son bassin de 15 millions d’habitants. Nous avons aussi quelques débouchés à Taiwan. L’année dernière nous avons pu écouler toute notre production. Mais nous devons nous organiser pour la suite, et il faudra du monde pour soutenir l’entrée sur de nouveaux marchés dans le pays.
IOV – Quels sont pour vous les plus gros défis pour faire décoller votre entreprise ?
Wang Rui – Le marché ! La production d’huile d’olive extravierge de qualité en Chine est très prometteuse et ne cesse d’augmenter. Rien que dans le district de Wudu, nous sommes 11 entreprises, dont la majorité produit plus de 100 000 L d’huile par an. Mais la consommation ne suit pas le même rythme. Peu de Chinois font la différence entre une huile d’olive basique et une huile d’olive de qualité. Pire encore, peu de Chinois savent que la Chine produit elle-même de l’huile d’olive de qualité. Ils font plus confiance à l’Espagne ou à l’Italie. Nous ne sommes pas encore équipés pour aller sur d’autres marchés à l’international, donc nous allons participer à éduquer le marché chinois.
IOV – Merci Miss Rui. Testons donc cette huile !
Au milieu des diplômes et accréditions de l’entreprise, sous le regard curieux de nos hôtes et sage des statues environnantes, Miss Rui nous fait déguster les différents produits de leur gamme. Elle nous serre son huile d’olive vierge extra pressée il a quelques mois dans un petit verre en carton. L’huile est assez épaisse en bouche et très légère au goût. Pas d’ardence, ni d’amertume. Mais pas de défaut non plus, on sent que le produit est frais. Nos hôtes chinois n’ont pas vraiment d’avis sur la question.
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Yu Sheng Kang – Chine
- Producteur : Pu Jianxin
- Marque : Yu Sheng Kang
- Année : 2009
- Lieu : Wudu, Gansu, Chine
- Oliveraie : –
- Variétés : nombreuses, notamment : Leccino, Koroneiki, Pendolino, Frantoio, Picual, Arbequina, etc.
- Récolte : novembre, à la main
- Production : 200 000 L par an
- Autres produits : –
- Spécificités : achat des olives aux oléiculteurs de 20 villages
Produire de l’huile d’olive dans le Gansu, un business fructueux !
Parmi les 11 grosses entreprises d’huile d’olive du district de Wudu (production >100 tonnes par an), nous avons rendez-vous ce matin chez Yu Sheng Kang, dans une zone industrielle sinitre au pied de l’autoroute qui longe le fleuve Bailong. Très loin de l’icône paysanne, ici on parle usine, business et showroom, dans un cadre assez bling-bling. Entretien avec M. Pu dans des trônes de bois sculpté.
In Olio Veritas – Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans l’huile d’olive ?
Pu Jianxin – Pendant des années, j’ai travaillé dans le bâtiment, ici dans la province de Longnan. Mes ouvriers étaient pour la plupart aussi agriculteurs, et j’ai découvert que beaucoup avaient des oliviers, et des olives, qu’ils ne transformaient pourtant pas faute de temps et de matériel. J’ai vu là une bonne opportunité et, comme j’avais les moyens, j’ai investi en 2009 dans cette usine avec un grand moulin Pieralisi et un bâtiment de bureaux avec un showroom. En 2010, j’ai créé l’entreprise et la marque Yu Sheng Kang et j’ai démarché des oléiculteurs de la province pour leur proposer de collaborer.
IOV – Donc vous avez une chaine de production et une marque, mais pas d’oliviers en propre, c’est bien cela ?
Pu Jianxin – Oui, le fonctionnement est simple : au moment de la récolte, de fin octobre à fin novembre, les paysans partenaires viennent à l’usine pour me vendre leurs olives. En 2018, j’ai acheté plus de 1 000 tonnes d’olives à des cultivateurs issus de 20 villages de la province. Ensuite, je m’occupe avec mon équipe de 40 personnes de la production d’huile d’olive extra vierge de qualité, et de la distribution en Chine, principalement dans la région du Gansu, mais aussi à Pékin.
IOV – Si ce n’est pas indiscret, quel est le prix d’achat des olives aux cultivateurs ?
Pu Jianxin – Cela dépend des variétés et de l’état des olives. La plupart des paysans ont entre 3 et 5 variétés différentes, qu’ils m’apportent mélangées. Mais d’autres arrivent à séparer, donc cela vaut plus. En moyenne, je dirais que le prix d’achat est de 6 Yuans le kilo (0,85€/kg), ce qui est positif pour les paysans, sachant que la plupart m’apportent environ 8 tonnes d’olives. C’est un bon business.
IOV – Vous semblez enthousiaste ! Comment voyez-vous le futur de l’huile d’olive en Chine dans 10 ans ?
Pu Jianxin – Dans 10 ans ? En Chine tout va beaucoup plus vite, il faut penser à 3 – 5 ans. Pour moi, l’avenir de l’huile d’olive en Chine est bon. Pour l’instant la population ne connait pas bien l’huile d’olive et ne sait pas faire la différence entre la bonne et la mauvaise qualité. Un sondage récent a montré que seuls 0,14% des Chinois achètent de l’huile d’olive. La plupart ne sait même pas qu’on produit de l’huile d’olive de qualité dans leur propre pays, ici dans le Gansu. C’est normal, puisque l’huile d’olive n’existe pas encore dans la gastronomie chinoise. Mais ça va changer ! Le gouvernement organise de grandes campagnes de publicité pour promouvoir l’huile d’olive et ses bienfaits pour la santé, et montrer que la production d’huile d’olive de qualité n’est pas réservée aux pays européens. La Chine est un grand pays et donc un grand marché potentiel pour l’huile d’olive locale.
IOV – Pouvez-vous nous montrer quelques exemples de publicité du gouvernement ?
Pu Jianxin – Bien sûr ! Regardez ce beau reportage sur notre entreprise sur CCTV. Et il y en a eu plusieurs. Il y a aussi des publicités sur les réseaux sociaux. Ils mettent les moyens financiers pour changer rapidement les habitudes de consommation locale, en mettant en avant les bénéfices et en montrant qu’ici en Chine nous faisons les choses bien : culture bio, récolte à la main, lignes de production technologiques, laboratoires de recherches, marketing, etc.
IOV – Merci M. Pu. Allons déguster maintenant, si vous le voulez bien !
M. Pu nous accompagne dans la boutique showroom, au rez-de chaussée de ses bureaux. La mise en scène est épurée et les étagères de bouteilles sont surmontées de cadres affichant les publicités de la marque Yu Sheng Kang. M. Pu nous tend des verres à pieds pour déguster son élixir de 2018. La robe dorée est belle, mais l’huile reste assez fade. Pas de défaut, mais pas une once de piquant ou d’amertume. On imagine que cela est dû à l’indifférence avec laquelle les nombreuses variétés cultivées dans la région sont mélangées au moment de la presse. Peu importe, notre hôte ne semble pas tant s’intéresser au goût, qu’à l’image !
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Shan Quan He Tao – Chine
C’est au fond des Gorges du Saut du Tigre dans le Yunnan en Chine, après des kilomètres de train et de bus, puis 9 heures de marche sur 1200 mètres de dénivelé, que nous rencontrons enfin Sean. D’origine tibétaine, sa famille est installée dans les gorges depuis plus de cinq générations et produit des noix et de l’huile de noix, dans ce village surnommé Walnut Garden. Mais depuis 5 ans, une initiative gouvernementale pousse les fermiers du coin à se convertir à l’olive. Sean s’est donc penché sur la question. Il nous partage sa vision bien trempée.
In Olio Veritas – Avant toute chose, Sean, pourriez-vous nous décrire où nous sommes ?
Sean – Nous sommes à la sortie des Gorges du Saut du Tigre, dans le petit village de Jiangbian à environ 1800 mètres d’altitude. C’est le fond de la vallée au bord du mythique fleuve Yangtze. Les montagnes des Gorges s’élèvent jusqu’à 5600 mètres d’altitude. Le Mont Enneigé du Dragon de Jade culmine à 5596 mètres précisément. Ici le terrain est plat et cultivé depuis toujours. Dans le village, certains oliviers ont près de 10 ans, mais dans les champs ils sont très jeunes, entre 2 et 5 ans.
IOV – Cette altitude et le climat de haute montagne qui va avec sont-il propices à la culture de l’olivier ?
Sean – Parfaitement ! Tout pousse ici. Il fait chaud et relativement sec toute l’année. Regardez, ce matin de février il fait près de 15°C. Il y a quelques années une étude du gouvernement a montré que la région était l’une des plus favorables de Chine pour la culture de l’olive. A l’intérieur des gorges, c’est différent : l’ensoleillement est moins bon et les arbres ont tendance à pousser très haut pour attraper le soleil. Ce qui est une galère pour la récolte.
IOV – L’implantation de l’olive ici est donc un choix gouvernemental plus qu’une évolution de l’agriculture locale ?
Sean – Oui. Depuis 5 ans le gouvernement déploie un « projet olive » qui incite chaque paysan à se lancer dans l’olivier au détriment des cultures traditionnelles de la région comme le maïs, le colza, les noix, etc. Chaque canton a sa presse en vue de produire de l’huile d’olive. Mais c’est absurde pour les paysans ! Il ne peuvent pas s’en sortir, car il faut 8 ans avant qu’un olivier ne donne le moindre fruit. Les oliviers sont là mais les paysans préfèrent se concentrer sur d’autres cultures, comme le très juteux fruit du dragon.
IOV – D’où viennent ces oliviers et de quelle formation ont pu bénéficier les paysans ?
Sean – Tous les oliviers viennent d’Israël. Je ne connais pas le nom des variétés mais je sais les reconnaître à la couleur des feuilles. Je sais que les verts foncés donneront plus de fruits que les gris. Avec les oliviers, nous avons reçu un expert Israélien qui a proposé des formations dans la vallée. Aujourd’hui les nouveaux arbres sont développés sous serre dans une pépinière du village d’à côté, Daju.
IOV – La culture de l’olivier est donc très récente. A qui est ou sera destinée l’huile d’olive ?
Sean – Aux riches ! On nous dit que l’huile d’olive est bonne pour la santé. Je ne sais même pas exactement en quoi. Mais le prix montre la préciosité et que cette huile n’est pas faite pour tout le monde. Seuls les riches dans les villes peuvent s’offrir ça. Pas les paysans d’ici.
IOV – Quel est selon vous l’avenir de l’huile d’olive dans cette région du Yunnan ?
Sean – Des grosses entreprises se sont emparées du sujet et font un réel business de l’huile d’olive en Chine, donc cela peut marcher pour eux. Mais je ne pense pas que cela aide la population locale. Traditionnellement ici on fait de l’huile de noix, qui a bien plus d’odeur que l’huile d’olive. L’olive ne peut pas égaler la noix ici, je vous le dis !
IOV – Merci Sean !
De retour chez Sean, nous visitons sa boutique. L’huile d’olive est vendue dans une fiole minuscule avec une pipette pour la consommer au goutte à goutte. L’huile d’olive est encore un produit marginal dans le Yunnan et la culture de l’olivier poussée par le gouvernement peine à motiver les paysans locaux. Mais Sean va continuer à suivre cela de près, en s’assurant que les populations locales en tirent aussi des bénéfices.
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祥宇 Xiangyu – Chine
- Producteur : Madame Yuhong Liu
- Marque : Xiangyu
- Date d’installation : 1997
- Lieu : district de Wudu, province du Gansu
- Oliveraie : 1 000 ha en propre + coopérative sur 20 000 ha
- Variétés : Leccino, Koroneiki, Pendolino, Picual, Picholine, mais aussi les variétés chinoises Ezhi-8 et Gheng’Gu-32
- Récolte : octobre et novembre, à la main
- Production : > 2 millions de litres par an
- Autres produits : une centaine de produits : olives de table sucrées, beauté & santé, accessoires en bois d’olivier…
- Spécificités : premier producteur industriel implanté dans le Gansu, et leader du marché chinois
Le plus gros producteur chinois à la conquête du monde ?
Fondée il y a 20 ans, Xiangyu a été une des premières sociétés à investir le champ alors naissant de l’huile d’olive extra-vierge en Chine, avec la qualité et la R&D comme maîtres mots, et un modèle hybride entre oliveraies en propre et système coopératif. Un pari gagnant puisque l’entreprise, qui emploie aujourd’hui 300 personnes et a récemment pris possession de nouvelles installations ultra-modernes, est le leader de l’huile d’olive chinoise. Et commence à lorgner le marché européen… Rencontre avec Yuhong Liu, présidente de Xiangyu, et fille de son défunt fondateur.
In Olio Veritas – Madame Liu, merci de nous recevoir. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre entreprise Xiangyu ?
Madame Liu – Dans les années 90, mes parents ont décidé de planter des oliviers, pour leur qualité esthétique, sur leurs terres dans les montagnes du Gansu. Parallèlement, des recherches scientifiques du gouvernement ont démontré l’adéquation de la région pour la culture de l’olivier. D’autres familles suivirent l’exemple, et quand tous ces oliviers commencèrent à donner des fruits, on se rendit compte qu’il n’y avait pas de moulin pour les transformer en huile. Alors, en 1997, mon père a installé le premier moulin de la province, pour extraire l’huile de ses olives mais aussi de celles d’autres cultivateurs de la région. Ce principe de coopération est aujourd’hui encore le fondement de notre entreprise.
IOV – Donc votre huile ne provient qu’en partie de vos oliviers ?
Madame Liu : C’est bien cela. L’entreprise a aujourd’hui plusieurs centaines d’hectares d’oliviers en propre, dont une partie sert comme base de recherche scientifique sur des questions relatives, par exemple, à l’irrigation, la taille des arbres, la fertilisation des sols, etc. Mais la majeure partie de l’huile que nous produisons provient d’olives que nous achetons à plus de 45 000 petits exploitants agricoles des villages alentours.
IOV – Pouvez-vous détailler les modalités de cette collaboration, et comment vous rémunérez ces paysans ?
Madame Liu – Nous avons mis en place un système très vertueux, qui a contribué à réduire la pauvreté de la région du Gansu. Nous faisons planter des oliviers à nos frais chez tous les paysans qui le souhaitent, puis nous formons ces derniers aux techniques de cultures des arbres et bien sûr leur apportons notre support quand nécessaire. Puis, une fois venu le temps de la récolte, nous achetons leurs olives. Plus de 15 000 tonnes chaque année, ce qui représente environ 100 millions de yuans (13 millions d’euros) réinjectés dans ces foyers. Certains ont quelques oliviers seulement, ce qui leur fait un complément de revenus ; d’autres à l’inverse en ont fait leur activité principale.
IOV – Comment s’assurer de la qualité de la matière première que vous achetez quand on travaille avec autant de petits fournisseurs ?
Madame Liu – Compte tenu des plantations en terrasse, la récolte se fait entièrement à la main, ce qui abîme bien moins les fruits que la récolte mécanique. C’est notre premier gage de qualité. Par ailleurs, en 2015, nous avons investi massivement dans une nouvelle usine, avec un moulin, de grandes cuves de stockage et 3 lignes de mise en bouteille ultra-modernes. Ce nouveau moulin, qui peut presser 560 tonnes d’olives par jour, nous permet de traiter toutes les olives dans les 8 heures qui suivent leur récolte. C’est le second gage de qualité de notre production, puisque les fruits et l’huile conservent ainsi un maximum de leur propriétés organoleptiques et composés phénoliques.
IOV – Vous revendiquez une production biologique, mais là encore comment s’en assurer quand on travaille avec autant de partenaires ?
Madame Liu – C’est assez facile, vous allez voir ! Dans le Gansu, non seulement le climat est adapté à l’olivier mais surtout il n’y a ni maladies, parasites ou champignons susceptibles d’attaquer les arbres. Nous n’avons donc tout simplement pas besoin de traiter les arbres.
IOV – Avec plus de 2 millions de litres par an, vous avez une production importante à écouler. Quels sont vos marchés et vos canaux de distribution ?
Madame Liu – Pour l’heure nous opérons uniquement sur le marché chinois. Nous avons une vingtaine de boutiques dans les principales villes du pays, et sommes présents dans de nombreux autres points de vente physiques. De plus, depuis 2012, et l’incitation du gouvernement central à développer le e-commerce, nous privilégions la vente en ligne, sur des sites chinois comme Alibaba, Tmall, Taobao, Suning… Par ailleurs nous ne vendons pas que de l’huile d’olive extra-vierge puisque nous avons une gamme très diversifiée : produits de santé, cosmétiques, thé et autres produits alimentaires, objets d’artisanat… Nous avons plus de 100 produits référencés et une équipe « innovation » qui en développe de nouveaux chaque année.
IOV – Avez-vous des ambitions à l’international ?
Madame Liu – Bien sûr ! Notre mot d’ordre est « plus grand et plus fort ». Nous commençons donc à regarder comment travailler à l’international. Une entreprise espagnole nous a sollicités en vue d’un partenariat. Je me rends moi-même chaque année en Europe pour rencontrer des confrères et des experts.
IOV – Avez-vous conscience qu’en Europe, Chine ne rime pas forcément avec qualité, surtout pour un produit qui a été l’apanage du bassin méditerranéen pendant des millénaires ?
Madame Liu – Oui et c’est dommage car il n’y a qu’à goûter notre huile pour se convaincre du contraire. C’est d’ailleurs pour cela que nous prenons désormais part aux principaux concours internationaux d’huile d’olive extra-vierge. Nous avons été distingués à plusieurs reprises : à Tokyo, à Los Angeles et à New-York notamment. Cette histoire d’origine et de qualité est vraiment absurde : l’huile que nous produisons est bien meilleure que les huiles italiennes ou espagnoles importées en Chine et vendues en supermarché. Mais de nombreux consommateurs chinois privilégient pourtant ces huiles européennes, pensant eux aussi qu’elles sont de meilleure qualité. Nous avons donc un important travail d’éducation à mener.
IOV – Merci pour votre temps Madame Liu, et peut-être pouvons-nous justement passer à la dégustation ?
Compte tenu des conditions de récolte et de production, la quasi-totalité des huiles d’olive extra-vierge produites par Xiangyu sont des mélanges de différentes variétés. Mais il existe quelques huiles mono-variétales. Le blend auquel nous goûtons dégage une odeur fraîche dès le verre porté au niveau du menton. En bouche, ce fruité vert de moyenne intensité présente un peu d’amertume mais révèle surtout une belle ardence. De loin la meilleure huile que nous ayons gouté en Chine !
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L’huile d’olive à la sauce chinoise
La Chine est un pays fascinant à bien des égards et fait l’objet de nombreux fantasmes pour nous autres occidentaux. Son exotisme oriental et ses traditions millénaires séduisent les Européens depuis que Marco Polo les a relatés dans son Devisement du Monde, tandis que les velléités d’hégémonisme économique de Pékin inquiètent, voire effraient. Alors que se passe-t-il quand l’Empire du Milieu s’empare de l’olivier, le plus ancien et flamboyant symbole de la civilisation méditerranéenne ?
EN UN CLIN D’ŒIL
- Début : années 1960
- Production : 6 000 tonnes d’huile d’olive par an
- Consommation : 45 000 tonnes, soit 0,03 L par habitant
- Régions de culture : Gansu, Yunnan, Sichuan, Chongqing, Shanxi et Jiangxi
- Producteurs : 15 000 employés dans le secteur
- Nombre d’oliviers : 150 000 hectares
- Variétés principales : une centaine, dont Frantoio, Leccino, Picholine, E’Zhi n°8, Coratina, Picual, Koroneiki, Arbosana, Hojiblanca, Manzanillo, Arbequina, Cheng’Gu n°32, etc.
- Récolte : fin octobre – fin novembre
- Certifications : Label Bio
La brève histoire de l’huile d’olive en Chine
Au commencement étaient 30 arbres. Trente oliviers, offerts en 1956 par le dictateur albanais Enver Hoxha à son homologue Mao Zedong, en guise d’amitié entre les deux pays communistes. Huit ans plus tard, Zhou Enlai, l’éternel Premier Ministre de Mao, sensible à la bonne réputation de l’huile d’olive pour la santé, fit signe au régime albanais, qui envoya cette fois-ci plus de 10 000 plants d’oliviers et deux experts dans les bagages. L’aventure pouvait commencer !
Le gouvernement chinois fit planter ces souches dans huit provinces différentes du pays, toutes situées au sud du Yangtze, le fameux « Fleuve Bleu » qui marque depuis des millénaires la frontière symbolique entre le nord de la Chine, où l’on cultive le blé ou le sorgho, et le sud avec ses rizières, la soie et le coton.
Après deux décennies d’expérimentations, le ministère de l’agriculture retînt le district de Wudu, le long de la rivière Bailong, dans la province du Gansu, comme aire la plus propice à la culture de l’olivier. Et y lança au tournant du siècle une politique d’aide au développement d’une oléiculture made in China, soutenue par des subventions et investissements réguliers. En 2016 le gouvernement a ainsi débloqué 10 millions de yuan (1,4M€) pour le secteur.
Une consommation toute récente et encore réservée aux nantis
En parallèle, l’ouverture du pays sur le monde extérieur initiée par Deng Xiaoping, a permis aux premières bouteilles d’huile d’olive européenne d’arriver sur le marché chinois, à des prix certes prohibitifs pour le commun des mortels, mais accessibles pour la bourgeoisie florissante des grandes villes. Vu l’attachement du régime chinois à l’équilibre de sa balance commerciale, on comprend sa volonté de développer la production domestique !
Aujourd’hui le marché chinois de l’huile d’olive est limité : la consommation est estimée à 45 000 tonnes par an, équivalent à celle de l’Australie … pourtant 60 fois moins peuplée. Cela représente 0,15% seulement des 35 millions de tonnes du marché chinois des huiles comestibles, dominé par le colza et le soja. L’huile d’olive est en réalité perçue en Chine comme un produit de luxe, que l’on offre en cadeau pour ses vertus quasi médicinales, et, s’il est possible d’en trouver en supermarché, son prix au litre reste 10 à 20 fois supérieur à celui des autres huiles.
En 2018, et malgré les efforts du gouvernement chinois, la production locale ne couvre encore que 13% de la consommation, avec 6 000 tonnes produites annuellement. Mais c’est déjà 3 fois plus qu’il y a 3 ans. En effet, dans les provinces du Gansu, du Yunnan ou du Sichuan, loin du regard des consommateurs dans les grandes villes, d’ambitieux entrepreneurs chinois soutenus par le gouvernement investissent le terrain massivement et s’apprêtent à faire une razzia sur un marché intérieur dont ils perçoivent l’immense potentiel.
Voyage en Terre du Milieu
Nous avons d’abord exploré le Yunnan, au sud de la Chine, pour se faire une première idée de l’oléiculture locale, avant de passer aux choses sérieuses en remontant vers le centre de l’Empire du Milieu, dans le Gansu et son fameux district de Wudu, qui concentre plus de 80% de la production chinoise d’huile d’olive.
Nous y avons été reçus comme des rois par les équipes de Xianyu, le premier producteur d’huile d’olive extra-vierge chinoise, qui ont organisé 4 journées de visites passionnantes. Étonnés malgré tout par notre démarche, pour ne pas dire suspicieux dans un premier temps, nos hôtes se sont adjoint les services du sympathique Mister Liu en tant que « traducteur ». Sa maîtrise approximative de l’anglais et sa qualité d’agent au sein de l’office gouvernemental des forêts peuvent laisser à penser que son rôle était en réalité un peu différent…
Mais avec son sourire et sa connaissance pointue des oliviers, que M. Liu a contribué à implanter ici, son escorte s’est finalement révélée des plus agréables. Voici ce que nous avons découvert à ses côtés.
Les Chinois prêts à déplacer les montagnes
Les études scientifiques de l’Institut Chinois de recherche sur l’Olive ont rapidement souligné les avantages du district de Wudu pour la culture de l’olivier : un sol sablonneux adéquat compte tenu du climat sec et ensoleillé, et un terrain vierge de pollution – ce qui est notable quand 20% des terres agricoles de Chine sont gravement polluées. Sans oublier l’absence de maladies, parasites ou champignons nuisibles aux arbres, ce qui explique qu’une grande partie de la production soit certifiée biologique.
Ainsi de nombreuses variétés européennes (Leccino, Frantoio, Picholine, Hojiblanca…) réussirent à s’épanouir dans les pépinières expérimentales, qui développèrent également deux nouvelles variétés chinoises : la Ezhi-8, qui donne effectivement satisfaction, et la Gheggu-32 dont le rendement en huile n’est finalement pas aussi bon qu’escompté, selon M. Liu.
Seul véritable hic pour l’oléiculture : le relief du terrain, en pleine zone montagneuse. Le lit de la rivière Bailong, qui coule à 900 mètres d’altitude, est entouré de sommets s’élevant de manière abrupte à plus de 2000 mètres. Il en aurait toutefois fallu davantage pour décourager les autorités et les habitants du coin qui, sans doute poussés par un atavisme séculaire, se mirent tout simplement à terrasser les montagnes, comme dans les splendides rizières du Yunnan, pour y planter des oliviers jusqu’à 1300 mètres d’altitude.
Étant donné la faible pluviométrie de la région (400mm par an), il a également fallu construire un système d’irrigation pompant l’eau de la rivière Bailong jusqu’au sommet des oliveraies, d’où elle puisse ensuite ruisseler à travers les terrasses. Une fois de plus la détermination et les moyens humains comme financiers sont en Chine source de solutions créatives !
De la typologie du producteur chinois d’huile d’olive
Au cours de nos pérégrinations, nous avons rencontré trois principaux types de producteurs d’huile d’olive. Tout d’abord, comme Sean dans le Yunnan, ceux qui auraient bien aimé continuer à faire autre chose mais à qui les politiques gouvernementales ne laissent pas beaucoup de marge. Ensuite, comme Long Jin Yuan ou Yu Sheng Kang dans le Gansu, ceux qui y ont vu un investissement prometteur mais n’ont pas véritablement de passion ni de connaissances techniques sur le sujet. Et enfin, comme le leader Xiangyu, ceux qui sont mus par un réel intérêt pour le produit, la recherche de la qualité et l’innovation.
Dans tous les cas, l’organisation de la production semble suivre un même schéma. Des dizaines de milliers de petits paysans cultivent des oliviers sur leur lopin de terre, parfois en monoculture, parfois aux côtés d’autres cultures vivrières. Ils vendent les olives qu’ils récoltent aux quelques entrepreneurs ayant investi dans des lignes de production, monnayant environ 6 yuans le kilo (0,85€). Dans le district de Wudu, on compte 11 entreprises seulement capables de transformer les olives, qui produisent à elles seules plus de 4 000 tonnes d’huile d’olive par an. Dont 2 000 tonnes rien que pour la société Xiangyu, qui fait heureusement partie des producteurs consciencieux. Et travaille avec 45 000 exploitants différents.
Main d’œuvre pléthorique et transferts de technologie, la recette chinoise ?
45 000, vous avez bien lu. Nous sommes en Chine après tout ! Et il faut bien tous ces bras pour assurer la récolte des olives, qui se fait entièrement à la main, olive par olive, de fin octobre à fin novembre. Les terrains escarpés et la nature sablonneuse des sols empêchent en effet toute mécanisation de la récolte. Quant aux peignes vibrants hydrauliques ou électriques, ils viennent tout juste de faire leur apparition chez certains paysans, nous confirme M. Liu, mais ne devraient pas se démocratiser trop rapidement compte tenu des petites surfaces exploitées par chacun.
Du côté des usines, c’est le nec plus ultra. Les lignes de conditionnement allemandes aux mécanismes infaillibles côtoient les moulins italiens les plus modernes. Jusqu’à ce que … attendez, est-ce bien un moulin de marque chinoise que l’on voit là ? Ainsi, même pour un marché aussi bourgeonnant que l’huile d’olive, les Chinois semblent pratiquer le transfert de technologies – celui contre lequel Donald Trump vitupère tant.
Car en dépit de la taille réduite du marché et de la prédominance des huiles d’olive étrangères, tous veulent croire ici, et se préparent, à un boom de la consommation dans les années à venir. Ainsi qu’à une amélioration de l’image de la production chinoise, qui souffre encore d’un déficit de notoriété par rapport aux huiles européennes, pourtant de qualité très médiocre si l’on se fie à celles que nous avons goûtées (rances).
En quittant Wudu, on ne peut s’empêcher de penser que l’on n’a visité là qu’un seul minuscule district d’un pays bien plus vaste que l’Europe. Et que si la Chine applique à tous les produits originellement importés la même recette, elle n’aura bientôt plus à se soucier des barrières douanières tant sa production domestique suffira à couvrir ses besoins. Avant de renverser la table et partir à la conquête du monde ?
Pour en savoir plus, toujours plus :
- Notre article sur Xiangyu
- Notre article sur Long Jin Yuan
- Notre article sur Yu Sheng Kang
- Notre article sur Shan Quan He Tao
- Étude du COI sur l’huile d’olive en Chine
- Le site du Longnan Olive Research Institute
- Étude de l’Institut sur l’industrie de l’olive en Chine – 2017
- Étude Daxue Consulting sur l’huile d’olive en Chine – 2018
- Article du Mercacei sur la Culture de l’olivier en Chine – 2018
- Étude marketing sur le potentiel de marché de l’huile d’olive en Chine
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