Shan Quan He Tao – Chine

C’est au fond des Gorges du Saut du Tigre dans le Yunnan en Chine, après des kilomètres de train et de bus, puis 9 heures de marche sur 1200 mètres de dénivelé, que nous rencontrons enfin Sean. D’origine tibétaine, sa famille est installée dans les gorges depuis plus de cinq générations et produit des noix et de l’huile de noix, dans ce village surnommé Walnut Garden. Mais depuis 5 ans, une initiative gouvernementale pousse les fermiers du coin à se convertir à l’olive. Sean s’est donc penché sur la question. Il nous partage sa vision bien trempée.

Sean est producteur d’huiles, mais aussi guide de haute montagne dans les Gorges du Saut du Tigre – © In Olio Veritas

In Olio Veritas – Avant toute chose, Sean, pourriez-vous nous décrire où nous sommes ?

Sean – Nous sommes à la sortie des Gorges du Saut du Tigre, dans le petit village de Jiangbian à environ 1800 mètres d’altitude. C’est le fond de la vallée au bord du mythique fleuve Yangtze. Les montagnes des Gorges s’élèvent jusqu’à 5600 mètres d’altitude. Le Mont Enneigé du Dragon de Jade culmine à 5596 mètres précisément. Ici le terrain est plat et cultivé depuis toujours. Dans le village, certains oliviers ont près de 10 ans, mais dans les champs ils sont très jeunes, entre 2 et 5 ans.

Au milieu des champs de maïs et d’orge de la plaine du Yangtze, de jeunes oliviers font face aux hautes montagnes. – © In Olio Veritas

IOV – Cette altitude et le climat de haute montagne qui va avec sont-il propices à la culture de l’olivier ?

Sean – Parfaitement ! Tout pousse ici. Il fait chaud et relativement sec toute l’année. Regardez, ce matin de février il fait près de 15°C. Il y a quelques années une étude du gouvernement a montré que la région était l’une des plus favorables de Chine pour la culture de l’olive. A l’intérieur des gorges, c’est différent : l’ensoleillement est moins bon et les arbres ont tendance à pousser très haut pour attraper le soleil. Ce qui est une galère pour la récolte.

Les Gorges du Saut du Tigre, Yunnan, Chine – © In Olio Veritas

IOV – L’implantation de l’olive ici est donc un choix gouvernemental plus qu’une évolution de l’agriculture locale ?

Sean – Oui. Depuis 5 ans le gouvernement déploie un « projet olive » qui incite chaque paysan à se lancer dans l’olivier au détriment des cultures traditionnelles de la région comme le maïs, le colza, les noix, etc. Chaque canton a sa presse en vue de produire de l’huile d’olive. Mais c’est absurde pour les paysans ! Il ne peuvent pas s’en sortir, car il faut 8 ans avant qu’un olivier ne donne le moindre fruit. Les oliviers sont là mais les paysans préfèrent se concentrer sur d’autres cultures, comme le très juteux fruit du dragon.

Les champs de fruits du Dragon sont bien plus imposants que les oliveraies de la région. – © In Olio Veritas

IOV – D’où viennent ces oliviers et de quelle formation ont pu bénéficier les paysans ?

Sean – Tous les oliviers viennent d’Israël. Je ne connais pas le nom des variétés mais je sais les reconnaître à la couleur des feuilles. Je sais que les verts foncés donneront plus de fruits que les gris. Avec les oliviers, nous avons reçu un expert Israélien qui a proposé des formations dans la vallée. Aujourd’hui les nouveaux arbres sont développés sous serre dans une pépinière du village d’à côté, Daju.

Des oliviers israéliens de près de 10 ans sont mis en exposition dans le village de Jiangbian. – © In Olio Veritas

IOV – La culture de l’olivier est donc très récente. A qui est ou sera destinée l’huile d’olive ?

Sean – Aux riches ! On nous dit que l’huile d’olive est bonne pour la santé. Je ne sais même pas exactement en quoi. Mais le prix montre la préciosité et que cette huile n’est pas faite pour tout le monde. Seuls les riches dans les villes peuvent s’offrir ça. Pas les paysans d’ici.

Cette brochure explique les bienfaits de l’huile d’olive pour la santé. – © In Olio Veritas

IOV – Quel est selon vous l’avenir de l’huile d’olive dans cette région du Yunnan ?

Sean – Des grosses entreprises se sont emparées du sujet et font un réel business de l’huile d’olive en Chine, donc cela peut marcher pour eux. Mais je ne pense pas que cela aide la population locale. Traditionnellement ici on fait de l’huile de noix, qui a bien plus d’odeur que l’huile d’olive. L’olive ne peut pas égaler la noix ici, je vous le dis !

C’est l’huile de noix qui fait la fierté de Sean. – © In Olio Veritas

IOV – Merci Sean !

De retour chez Sean, nous visitons sa boutique. L’huile d’olive est vendue dans une fiole minuscule avec une pipette pour la consommer au goutte à goutte. L’huile d’olive est encore un produit marginal dans le Yunnan et la culture de l’olivier poussée par le gouvernement peine à motiver les paysans locaux. Mais Sean va continuer à suivre cela de près, en s’assurant que les populations locales en tirent aussi des bénéfices.

La fiole d’huile d’olive ressemble plus à un échantillon de parfum qu’à une huile de cuisine ! – © In Olio Veritas

Pour en savoir plus sur l’huile d’olive en Chine, retrouvez tous nos articles ici.

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