Contrairement aux pastèques ou aux clémentines sans pépins, la génétique n’a pas encore réussi à produire des olives sans noyau pour les salades ou les pizzas… Et heureusement ! Car les noyaux ont un rôle clé dans le fruit qu’est l’olive, mais aussi pour l’extraction de son huile et, même une fois isolés, dans les constructions écologiques, le chauffage zéro déchet, la cosmétique naturelle et bien d’autres usages insoupçonnés. Enquête au cœur de l’olive. Propos recueillis par @in olio veritas
Le noyau conservateur
L’effet bénéfique de l’huile d’olive sur notre santé vient, entre autres, de ses composés phénoliques aux propriétés antioxydantes. Mais avant de préserver nos cellules de l’oxydation, ces polyphénols sont avant tout antioxydants pour le fruit qu’est l’olive, et participent ainsi à sa conservation en ralentissant la dégradation de la matière.
Une olive à maturité est en moyenne composée à 50% d’eau, 22% d’huile, 18% de sucres, 5,5% de cellulose, 1,5% de minéraux, 1,5% de protéines et 1,5% de polyphénols. Ces derniers se trouvent aussi bien dans la pulpe de l’olive (à 65%) que dans le noyau (à 35%). Quand on sait qu’un noyau représente entre 13% et 30% du poids d’une olive (en fonction des variétés et des conditions de culture), c’est donc une concentration en polyphénols très importante ! Ce qui explique l’intérêt de broyer les olives entières, et non dénoyautées. Mais ce n’est pas la seule explication…
Drainant et coupant pour extraire l’huile
Dans la méthode traditionnelle, l’huile est extraite des olives à l’aide d’une meule en pierre réduisant les fruits en pâté, puis de scourtins – sorte de filtre circulaire en fibre végétale – permettant de ne garder que le jus composé d’eau et d’huile. Concassés par la meule, les noyaux des olives deviennent ainsi tranchants, ce qui favorise le broyage de la chair, puis le drainage de l’huile en dehors de la pâte écrasée.
Dans les moulins modernes, cette fonction est moins nécessaire, et certains producteurs comme Pamako en Crète ou Adon & Myrrh au Liban décident de dénoyauter tout ou partie des olives, pour maîtriser le goût de leur huile sur des variétés qui ont une chair déjà riche en polyphénols. Chez Pamako, Efthikis et son associé ont ainsi développé une machine très précise pour dénoyauter un pourcentage donné d’olives juste avant leur passage dans le broyeur. Les noyaux récupérés ne sont toutefois pas perdus : ils sont utilisés pour chauffer le moulin, et le surplus est vendu par sacs de 50 kg.
Une matière secondaire écologique
Car le noyau peut avoir de nombreuses vies… Prenons l’Espagne, premier pays producteur d’huile d’olive au monde. Chaque année, les moulins y génèrent pas moins de 37 500 tonnes de grignons, les résidus de la presse qui contiennent les noyaux broyés. Traditionnellement, ces grignons étaient jetés, brûlés ou, dans le meilleur des cas, compostés. Mais depuis que des pionniers ont montré la voie, de nombreuses initiatives se développent à travers le monde entier pour réutiliser de diverses manières ce qui apparaît aujourd’hui comme une précieuse matière secondaire.
Lorsque le noyau est nettoyé, séché puis réduit en poudre, on obtient en effet des particules solides, dures, stables, homogènes et non volatiles. Cela en fait par exemple un excellent abrasif pour remplacer les micro plastiques utilisés notamment dans la cosmétique ou l’industrie. On le trouve notamment dans des gommages pour la peau ou des produits ménagers. Et plus finement broyé il peut même servir à poncer des verres de lunettes.
Le granulé de noyaux d’olives est également utilisé comme matériau de construction, par exemple comme mortier aussi performant que le béton traditionnel ou sous forme de briques très résistantes. Il joue un rôle d’agent liant et structurant, et certains fabricants estiment qu’il améliore la résistance et durée de vie de matériaux variés.
Des chercheurs de l’Université Polytechnique de Madrid ont même démontré les propriétés isolantes et absorbantes de l’inclusion de noyaux d’olives carbonisés dans des matériaux de construction, réduisant la densité des matériaux et décuplant leurs propriétés thermiques et acoustiques.
A La Ciotat en France, un terrain de foot 100% naturel a été inauguré en 2020. 60 tonnes de noyaux d’olives concassées y remplacent les granules de caoutchouc qu’on retrouve habituellement sur ces terrains, réputés toxiques et polluants.
Une solution de chauffage zéro-déchet
L’utilisation des grignons d’olive comme biomasse pour le chauffage se développe sous différentes formes. Bien que leur pouvoir calorifique soit inférieur à celui du gasoil de chauffage, il est possible de les transformer pour améliorer leur performance. Lors de notre voyage à la rencontre de producteurs d’huile d’olive à travers le monde, nous avons pu découvrir différentes techniques ingénieuses.
Comme mentionné plus tôt, en Crète, Pamako dénoyaute ses olives avant le broyage pour l’huile d’olive et récupère donc les noyaux entiers. Ceux-ci sont séchés au soleil dans des grands sacs en filet puis utilisés tels quels pour le chauffage.
Au Liban, Joseph Al Khoury producteur et moulinier sous la marque Willani, a intégré à son moulin une machine qui confectionne des bûches de grignons, qu’il commercialise ensuite comme bois de chauffage. Les grignons sont séchés, broyés puis compactés et moulés en cylindres.
En Tunisie, la PME Lebrun Fils fabrique des granules de noyaux d’olives broyés, sans colle ni additif, pour un pouvoir calorifique de 6 kWh / kg. Elle met en avant l’absence de poussière ou autre matière volatile de la combustion des noyaux d’olive.
En Espagne, la ville de Carloza (située dans la région de Jaen, où d’immenses champs d’olivier s’alignent à perte de vue) utilise les noyaux d’olive pour… chauffer l’eau de la piscine municipale ! Pour ce faire, il faut compter 140 tonnes de noyaux d’olives par an. De quoi se faire une belle piscine à boules !..
Le noyaux d’olive peut donc trouver de nombreuses utilisations, et les ingénieurs en matériaux débordent d’idées pour faire de ce déchet une véritable matière. Mais ce n’est pas tout !
Retour en cuisine
La poudre de noyaux d’olives constitue dans l’alimentation animale une alternative végétale très intéressante aux céréales plus coûteuses, à la farine de poissons élevés dans des conditions douteuses ou encore à la farine d’os. En effet, les noyaux d’olives apportent beaucoup de glucides (saccharose, glucose, fructose, pectine, xylose, mannitol et myo-inositol) ainsi que des fibres faciles à digérer (cellulose, hémicellulose et lignite).
D’après une étude de la FAO, les grignons bruts sont utilisés en Tunisie en mélange avec du son ou du cactus pour alimenter les dromadaires ou les ovins pendant les périodes difficiles. Le dromadaire vit en grande partie dans des pays producteurs d’olive, et, en 2013, la FAO a également mené une expérience à Al-Jouf en Arabie Saoudite, en remplaçant pour l’alimentation de chamelles l’apport de céréales coûteuses comme l’orge – qui fait par ailleurs concurrence à l’alimentation humaine – par des grignons d’olive complétés par de la luzerne. Les résultats de l’expérience ont permis de montrer qu’il n’y avait aucun impact négatif sur la production de lait et, mieux, que la composition en matières grasses du lait de chamelle présentait davantage d’acides gras insaturés, bénéfiques pour la santé humaine.
Au Japon, sur Shodoshima, l’île aux olives, ce sont les bœufs qui bénéficient des grignons d’olive ! Et pas n’importe lesquels. L’entreprise Toyo Olives a développé une machine permettant de déshydrater et broyer les grignons, pour les transformer en croquette données en pâture aux fameux bœufs Wagyu, dont la viande unique se monnaie (très) cher dans la région de Kobe. 100 grammes de poudre de grignons séchés par jour au menu de ces « Boeufs Olive » !
Les chameaux, les bœufs, d’accord. Mais qu’en est-il de l’alimentation humaine ? Et bien figurez-vous que certains boulangers ou chefs innovants intègrent de la farine de noyaux d’olives, dîte Fleurette de noyaux d’olives, dans leur cuisine, dans une pâte à pain par exemple, ou les utilisent concassés et caramélisés en pâtisserie, ou broyés en chapelure. C’est un ingrédient biologique, sans céréales et sans gluten, à goûter d’urgence !
Très intéressant article pour compléter le mien « comment réutiliser les déchets d’huile d’olive? » avec votre permission, je le mets lien 😉
Bonjour, Est-il vrai que l’huile EXTRAITE DES NOYAUX d’olive est INTERDITE À LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE ? Si cela est vrai et confirmé par vous, il serait bien que ce soit précisé dans votre très intéressant article.
Cordialement.
D. Dionisi
Bonjour Dominique je n’en ai jamais entendu parlé et lors du broyage il y aune partie de l’huile contenue dans le noyaux qui est extraite (donc consommée). Bien à vous, Cécile