Oléiculteurs de troisième et quatrième générations, Roberto Cordisco et son fils Antonio cultivent 37 hectares d’oliviers dans le nord des Pouilles, en Italie. Ils nous ont accueillis mi-octobre pour le tout début de la récolte des olives. Récit.
« Il ne pleut plus, on peut lancer la récolte ! ». C’est avec ce SMS d’Antonio que nous nous réveillons, à Naples, mercredi 17 octobre. Cela faisait plusieurs jours que la pluie s’abattait quotidiennement sur le nord des Pouilles, rendant impossible la récolte des olives. Nous nous félicitons donc d’avoir apporté le soleil, et traversons la botte en 3 heures de route, de la mer Tyrrhénienne à la côte Adriatique.
Les Cordisco sont installés à San Paolo di Civitate, un bourg de 5 000 habitants entouré de champs d’oliviers. Cette région étant la deuxième plus grande plaine du pays, après celle du Pô, les vergers sont plantés à plat et à perte de vue sur des kilomètres. On est donc à l’opposé de la Corse par exemple, où la nature escarpée des terrains a poussé l’homme à attendre les mois de février ou mars pour récolter les olives, lorsqu’elles tombent naturellement dans les filets, à pleine maturité. Ici, on peut se permettre d’étaler ses filets dès le mois d’octobre entre les rangées d’arbres, et d’y forcer la chute des olives à peine “tournantes”, quand de vertes elles commencent à virer au violet.
Des olives particulières puisque San Paolo di Civitate est une des rares communes des Pouilles à voir pousser la Provenzale, ou Peranzana dans le dialecte du coin. Ce cultivar unique dérive d’une olive apportée de Provence – d’où le nom – au milieu du 18ème siècle par le Prince Raimondo De Sangro, féru d’agronomie. En raison des différences de climat et de nature des sols entre la Provence et les Pouilles, cette olive a depuis évolué de manière différente en France (la Picholine) et en Italie (la Provenzale). Si le goût n’est plus le même, elles partagent encore deux caractéristiques communes : leur (grosse) taille et la double utilisation qui en est possible, olive de table ou huile d’olive.
Les journées sont courtes à l’automne, et il faut donc commencer la récolte dès les premières lueurs du jour. A 6h00, nous retrouvons Erico, 25 ans, qui supervise les 8 autres ouvriers agricoles. Tous des enfants du village : il y a Dario, l’aîné jamais fatigué, 54 ans, Giovanni le boute-en-train d’une quarantaine d’années, puis les plus jeunes, de 20 à 27 ans : Domenico le frère cadet d’Erico, Riccardo, Francesco, Giuseppe… Sans oublier le « Capitano » qui travaillait déjà pour le père de Roberto Cordisco, et qui a la charge honorifique de transporter chaque soir les olives au moulin.
Que des hommes donc, qui regardent non sans étonnement ces deux femmes françaises venues récolter des olives à leurs côtés. Mais avec un sens de l’accueil inégalable : café, croissants, gâteau préparé par la fiancée d’Erico spécialement pour “i francesi”… Nous nous sentirons très vite à l’aise au milieu de ces experts de la récolte, particulièrement bienveillants.
On étale les filets et c’est parti
Un détour au hangar Cordisco pour récupérer le tracteur et quelques accessoires nécessaires à la récolte, puis nous arrivons dans l’une des nombreuses parcelles de la famille Cordisco. Celle que Roberto a estimé la plus mûre pour la récolte. Quelques minutes encore avant que la luminosité ne soit suffisante, alors les garçons étalent soigneusement les 16 filets au sol, formant un carré de 4 rangées de 4, puis raccordent les peignes vibrants (« rastrello » en italien) au générateur à air comprimé installé à l’avant du tracteur.
Et à 6h30, c’est parti pour 9 heures de récolte. La technique consiste à venir ratisser les branches de l’arbre avec son peigne vibrant, faisant ainsi tomber les olives de manière éparse dans les filets. On s’y met à 2 ou 3 par arbre, en fonction de la taille de l’olivier. Puis, quand un arbre est vidé de ses olives, on avance dans la rangée et on passe au suivant. En veillant à ne pas faire de nœuds avec les fils qui relient les peignes au générateur !
Deux ouvriers spécialement dédiés à cela (ils ne peignent pas) s’emparent alors tour à tour des 4 filets de la première rangée et les ramènent vers l’avant du carré. Ce faisant, les olives tombées dans les filets ainsi déplacés sont regroupées en un tas compact, dont on s’empare à l’aide de petites caisses et qu’on vide dans de plus grosses caisses, pouvant accueillir chacune 300 kilos d’olives.
C’est ce ballet autour des oliviers qui se répète toute la journée, et tous les jours jusqu’à ce que le dernier arbre ait donné sa dernière olive. Soit une cinquantaine de jours en moyenne chez les Cordisco pour moissonner leurs 13.000 oliviers répartis sur 37 hectares.
Heureusement, les journées sont tout de même entrecoupées de quelques pauses toutes les 2 heures : café et croissants à 9 heures, re-café à 11 heures, déjeuner à 13 heures. Roberto et Antonio tiennent par ailleurs à passer une à deux fois chaque jour pendant la récolte. Non pas pour surveiller leurs ouvriers, en qui ils ont pleine confiance, mais pour se manifester et entretenir ce lien important entre patron et salarié.
Au moulin, et que ça presse !
A 15h30, la récolte s’arrête. La moisson est de 3 tonnes environ par jour, soit une dizaine de grosses caisses qu’il faut transporter jusqu’au moulin (le « frantoio » en italien), où l’on devra procéder à la presse des olives dans les 24 heures qui suivent. En effet, plus elles seront passées rapidement au moulin, moins les olives s’abîmeront ou fermenteront dans leurs caisses, préservant ainsi la qualité et le goût de l’huile qui en sera extraite.
Mais cela est une autre histoire, à découvrir dans un prochain article !
Les auteurs de In Olio Vertitas : Fascinés par l’Olivier, Mathilde et Matthieu parcourent la planète à la rencontre d’oléiculteurs pour saisir les enjeux de la culture, de la production et de la consommation d’huile d’olive. Retrouvez leurs découvertes et récits sur inolioveritas.org et www.instagram.com/inolioveritas.
Bonjour
Je découvre votre post et je serais curieuse de savoir si je peux rentrer en contact avec cette famille, aà condition que mon profil convienne.
Depuis 2018 je ne rends à Jérusalem dans une congrégation pour la récolte des olives (cueillies à la main !) mais cette année je pense que la situation politique laisse à penser que cele pourra être difficile, voire impossible. Je ne connais pas les Pouilles et cette double découverte me tente vraiment.
Je ne suis pas étudiante mais sénior(e) , en bonne forme physique, parlant anglais aussi et un peu italien.
Merci pour votre réponse.
Bonjour Yolande, je n’ai pas les coordonnées de ce producteur, ce n’est pas moi qui ai suivi cette récolte. Mais je suis sûre que cela doit être possible de trouver sur le net leur contact! Je ne connais pas non plus les Pouilles mais cela doit être magnifique!