Retaper une oliveraie laissée à l’abandon n’est jamais chose aisée. Alors 30 hectares d’oliviers retournés à l’état sauvage, sur des terrasses escarpées et difficilement accessibles, on vous laisse imaginer. C’est pourtant ce qu’entreprend Xavier Guilera de Oli Coll del Alba depuis 7 ans, dans les contreforts du Delta de l’Ebre, au sud de la Catalogne. Avec passion, amour du travail bien fait et respect de la nature. Propos recueillis par © In Olio Veritas
Il faut tout retaper !
Xavier Guilera avait toutes les qualifications pour devenir oléiculteur, et pourtant il est venu à l’olive un peu par hasard. Cet ingénieur agronome de formation, spécialisé dans les contrôles de sécurité alimentaire pour une entreprise basée à Barcelone a en effet découvert les oliveraies centenaires du Baix Ebre à l’occasion d’un séjour touristique dans la région en 2012. Quelques mois et un licenciement économique plus tard, il décide de s’y installer avec sa femme, et assez rapidement la décision de s’occuper des arbres s’impose à lui.
Mais sans économies à investir dans le foncier, il opte pour une stratégie astucieuse en proposant à plusieurs propriétaires terriens de restaurer leurs oliveraies abandonnées en contrepartie d’un plein usufruit des terrains et des récoltes pour une période de 7 ans minimum. Un bon compromis, à prendre ou à laisser, qui permet aux vieux propriétaires de valoriser leurs terres, et à Xavier de lancer son exploitation sans se ruiner.
Ce dernier met alors les bouchées doubles pour retaper les terrasses et récupérer les arbres, en prodiguant des tailles sévères à tous ces oliviers retournés à l’état sauvage. Peu à peu, le nombre de parcelles dont il prend soin s’accroît, pour atteindre une quinzaine aujourd’hui, qui représentent près de 30 hectares. Des travaux quasi herculéens : « Je passe beaucoup de temps dans ces arbres » confirme Xavier. « A force, je connais chacun d’eux, chaque terrasse par cœur, les spécificités de chacune des parcelles« . Pour ne pas perdre la tête il a décidé de mutualiser certaines taches et investissements, notamment en matériel, avec deux de ses voisins, eux aussi guidés par la qualité : Josep et Salvador.
Trouver un moulin à la hauteur
Mais l’entretien des arbres et des terrasses ne fait pas tout ! Si vous lisez notre blog attentivement, vous aurez compris que la récolte est aussi une étape cruciale pour la qualité de l’huile. Et encore plus dans une région où l’on n’hésite pas à ramasser les olives tombées de l’arbre et pourrissant au sol… Alors Xavier s’emploie avec délicatesse à récolter ses fruits dès le mois d’octobre, quand ils sont encore bien verts et chargés de composés phénoliques.
Le choix du moulin est également extrêmement important. Et avant de trouver le bon, Xavier a frappé à la porte de plus d’un moulinier. Certains utilisaient encore les procédés traditionnels (meule en granit, scourtins…) quand d’autres étaient passés aux méthodes modernes mais dans des conditions, notamment d’hygiène, laissant parfois à désirer. « Je respecte leur travail. Mais pas le goût de leur huile » glisse Xavier.
Après de nombreuses expériences peu concluantes avec les moulins environnants, Xavier comprend qu’il va devoir élargir sa zone de recherche. Et il finira par jeter son dévolu sur le Mas de Flandi – que nous avons pu visiter – éloigné de près de 70km, ce qui le contraint à faire près de trois heures de route chaque soir pendant la récolte pour y porter ses olives puis regagner ses pénates. Mais c’est un choix payant tant Eduardo, le propriétaire du moulin, prend sa mission à coeur et rend au métier de moulinier ses vraies lettres de noblesse.
Jusqu’au boutiste
Une fois les olives pressées et son huile filtrée, Xavi la rapporte dans l’entrepôt qu’il loue aux services communaux de Camarles. Il y a installé une chambre froide remplie de cuve de 200 à 300 litres, recueillant chacune une huile différente. Car Xavi pratique la récolte par différenciation : parcelle par parcelle, et variété par variété. Ce qui lui permet de comparer le résultat de son travail sur chaque parcelle, et d’ajuster ensuite les arômes et saveurs du produit qu’il vend.
Pour préserver au maximum le goût de son huile, il a par ailleurs recours à de nombreuses solutions : transport en bag in box géants de 300 litres depuis le moulin jusqu’à l’entrepôt pour éviter le rancissement dans des fûts plastiques réutilisables ; ajout d’argon dans les cuves pour protéger l’huile de l’oxydation ; maintien de la température à 17 degrés dans la chambre froide… Bref, Xavi est un passionné passionnant, qui apporte un soin extrême à la culture de ses olives. Et le goût s’en ressent dans son huile. À déguster d’urgence !
EN RESUMÉ
- Producteur : Xavier Guilera
- Marque : Oli Coll del Alba
- Depuis : 2013
- Lieu : région du Baix Ebre, province de Tarragone, en Catalogne
- Oliveraie : 30 hectares exploités
- Variétés : Sevillenca, Moruda, Farga (variétés locales)
- Récolte : octobre
- Moulin : Mas de Flandi (Calaceite, en Aragon)
- Production : 2000 litres par an en moyenne
- Autres produits : miel
- Spécificités : agriculture entièrement biologique
Pour en savoir plus sur Oli Coll de l’Alba : visitez leur site internet, leur page Facebook ou leur compte Instagram !
Retrouvez tous nos articles sur l’oléiculture en Espagne ici. Bonne lecture !
Note sur les auteurs
In Olio Veritas – Nous sommes Mathilde et Matthieu, deux passionnés d’huile d’olive, qui parcourons le monde à la rencontre de producteurs et d’experts pour découvrir les modes de culture, de production, de commercialisation et de dégustation de l’or vert. Gourmands voyageurs, friands de rencontres, amateurs de bonne cuisine fermière et convaincus que l’alimentation est un des piliers de l’écologie, nous partageons nos découvertes sur Jus d’Olive et sur notre blog : www.inolioveritas.org et nos réseaux sociaux @inolioveritas
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Retrouvez l’interview de Mathilde : Les collaborateurs de jusdolive.fr : In Olio Veritas