Nous avons rencontré Armand qui a participé à la formation à l’univers de l’huile d’olive et de la dégustation en avril dernier à Gordes; Formation que nous organisons deux fois par an avec Alexandra Gauquelin-Roché au milieu des oliviers dans le Luberon. Avec son associée, ils sont venus suivre la formation pour développer un projet de distribution d’huiles d’olive italiennes en France. À la fin de ces trois jours, il a eu envie de continuer à se former en dégustation (une fois qu’on est tombé dans la dégustation on ne peut plus s’arrêter !) et a choisi la formation proposée par l’ONAOO -Organizzazione Nazionale Assaggiatori Olio di Oliva- dans la ville d’Imperia en Italie. Beaucoup d’entre vous me demandent quelle formation suivre en dégustation, comment s’entraîner, … et n’ayant pas suivi le cursus proposé par cette école italienne, j’étais curieuse d’avoir un retour. Cette chose faite puisque Armand nous raconte la semaine dans cette école le mois dernier.
Cécile- Pourrais-tu te présenter en quelques lignes ?
Armand – Je m’appelle Armand, j’ai 26 ans et après 3 ans et demi sur le marché du travail dans le milieu de la communication, je suis en pleine réorientation professionnelle, prêt à plonger dans un univers qui me passionne: celui de l’huile d’olive. Afin de développer une expertise produit j’ai choisi de me former à l’ONAOO (organisation nationale italienne des dégustateurs d’huile d’olive), située à Imperia en Ligurie. Créée en 1983, c’est la première école dédiée à la formation de dégustateurs d’huile d’olive.
Cécile – Quel a été ton parcours en dégustation d’huile d’olive ?
Armand – Avant l’ONAOO, ma porte d’entrée dans le monde de l’huile d’olive a été le stage de découverte proposé par Cécile Le Gaillard et Alexandra Gauquelin-Roché à Gordes. J’ai trouvé cette formation très complète et j’ai adoré l’ambiance dans laquelle est dispensée. C’est un super tour d’horizon de tous les aspects de l’olive et de l’huile d’olive: production, typologie, vocabulaire spécifique, dégustation, etc.
Pendant le stage toi et Alexandra vous nous avez présenté la technique de dégustation professionnelle, qui est encadrée par des règles précises dictées par le COI et la dégustation hédoniste dont le but est de développer sa connaissance du produit, de son nezz, et de son palais à laquelle nous avons majoritairement pris part. Quelle est la différence entre une dégustation hédoniste et une dégustation professionnelle?
Après cette belle première expérience enrichissante, j’ai voulu aller plus loin et développer une expertise plus poussée. Je me suis renseigné sur ce qui existait et je me suis inscrit à l’ONAOO.
Cécile – Pourquoi l’ONAOO en particulier ?
Armand – C‘est une école reconnue qui bénéficie d’une très bonne réputation à l’international – au moment de sa création c’était la première école du genre – parce que la qualité de l’enseignement qui y est dispensé est excellente et parce que les membres de son réseau international sont des professionnels reconnus. L’autre raison c’est parce que je parle italien et que notre projet est majoritairement axé sur l’Italie.
Cécile- En quoi consiste la formation proposée par l’ONAOO ?
Armand – La formation de l’ONAOO n’est pas un cours sur l’appréciation de l’huile d’olive. Le cours forme à la technique de dégustation officielle du COI, dont le but est de déterminer si un huile est vierge, vierge extra ou lampante. Pour cela on identifie les attributs positifs et négatifs de l’huile d’olive. La semaine de cours que j’ai suivie fait partie d’un parcours qui dure un peu plus de deux ans. Il n’est pas nécessaire de suivre tout le parcours mais il est obligatoire de suivre la première partie et de réussir les examens d’aptitude physiologique à la dégustation si on veut suivre le parcours intégral.
Cécile- Qu’est-ce que tu as appris au cours de cette première partie ?
Armand – Beaucoup de choses (rires) ! La semaine de cours est partagée entre apprentissage théorique, avec des interventions de nombreux spécialistes d’excellente qualité comme des professeurs universitaires et des professionnels du milieu sur des sujets aussi variés que la chimie, l’agriculture, la nutrition, la réglementation. Tout ça aide à mieux comprendre tous les aspects du produit. Il y avait aussi de la pratique avec de nombreuses dégustations. On a atteint les 18 huiles par jour quand même !
D’un point de vue théorique le programme est extrêmement complet et… complexe. Certains cours sont très techniques et parfois compliqués à suivre pour qui, comme moi, n’a pas de notions dans les domaines étudiés mais on en tire forcément des connaissances ou des notions essentielles.
Côté pratique, les dégustations sont nombreuses et variés. Celles-ci se concentrent particulièrement sur les défauts et on goûte généralement plus de mauvaises huiles – avinées, moisies, piquées par la mouche, rances… – que de bonnes huiles: c’est la philosophie même de l’ONAOO. En fait, derrière cette approche il y a l’idée que nous stockons sensations et odeurs dans notre cerveau, dans notre “bibliothèque mentale et sensorielle”, à force de les rencontrer. Si on prend l’exemple d’odeurs comme la menthe, le citron ou encore le café ou d’odeurs moins agréables comme l’urine ou la transpiration, elles sont faciles à reconnaître parce qu’on les sent régulièrement dans la vie de tous les jours: elles sont enregistrées dans notre bibliothèque !
L’idée c’est donc de sentir et de goûter des défauts comme le rance, le moisi, le chômé et d’autres pour les enregistrer dans notre bibliothèque sensorielle et pour être capable de les reconnaître quand ils sont présents dans les huiles que l’on goûte. Plus on connaît le défaut, plus on est capable de le reconnaître, même à une échelle plus réduite. C’est un peu comme quand on reconnaît qu’il y a un trait de citron dans tel plat ou une pointe de muscade dans un autre. Goûter des mauvaises huiles était parfois désagréable, voire compliquée à gérer pour les plus fragiles – non, je ne dirai pas si je fais partie de ceux-là (rires) mais cette technique est efficace et formatrice. Évidemment et heureusement on a aussi goûté des bonnes huiles, et même d’excellentes huiles, provenant d’Italie et d’origines plus originales comme la Californie, le Japon, le Chili ou encore l’Australie.
Cécile- Comment se passe l’évaluation des capacités en dégustation du dégustateur?
Armand – À la fin de la semaine, ceux et celles qui souhaitent continuer la formation avec le cours de niveau 2 ou simplement confirmer leur niveau après la semaine de formation peuvent passer des examens d’évaluation de leurs capacités physiologiques à la dégustation. Il s’agit de plusieurs épreuves durant lesquelles il faut utiliser son odorat et son goût pour reconnaître l’intensité des attributs négatifs ou positifs présentés. Une épreuve se déroule de la façon suivante: on se retrouve devant 12 verres alignés qui ne contiennent pas de l’huile d’olive mais uniquement le défaut ou la qualité sur laquelle se concentre l’épreuve – on est tombés sur le moisi, le rance, le vineux en défaut et l’amertume en qualité – classés du moins fort au plus fort. On peut sentir quelques verres, l’idée c’est de créer son échelle mentale, et on se retourne pour faire faire dos à la ligne de verres. Pendant qu’on est dos aux verres, l’examinateur retire un verre de l’alignement des 12 verres, le place plus proche de ou de la candidate et rapproche les verres pour former à nouveau un alignement de verres. On se tourne à nouveau pour faire face au verre sélectionné par l’examinateur et à la ligne, composé désormais de 11 verres, tu suis ? La mission, pas impossible mais pas évidente, est de replacer le verre à l’endroit exact où il était. On fait ça 4 fois par épreuve et il y a 4 épreuves au total; il y a donc 16 verres à classer. Plus on hésite et plus on attend, plus on se perd: il faut y aller à l’instinct sinon, avec le temps, ça devient compliqué de se recentrer !
Cécile- Recommanderais-tu cette formation ? Si oui, à qui ?
Armand – Je recommande à 100% cette formation mais il faut savoir que le parcours de l’ONAOO s’adresse avant tout à des personnes qui veulent devenir dégustateur ou dégustatrices professionnels. Les personnes présentes pendant ma session avaient toutes une activité ou un projet d’activité professionnelle dans le monde oléicole: production, commercialisation, sélection, etc. Si la maîtrise de l’italien n’est pas obligatoire pour suivre la formation, il y avait une interprète italien – anglais pour les étrangers, je dirais que parler cette langue reste un gros avantage parce que le vocabulaire peut être assez technique. Il faut savoir que prix de la formation est assez élevé [environ 2100 euros pour la semaine]. Ça peut éventuellement être un frein pour un amateur mais si on en a les moyens rien n’empêche de suivre la formation.
Cécile- C’est quoi la prochaine étape ?
Armand – J’ai beaucoup appris pendant cette première partie de formation mais je sais que la route vers une maîtrise de ce produit complexe qu’est l’huile d’olive est encore longue. Ayant réussi mes examens et avec mon objectif de devenir expert en tête, j’ai évidemment hâte de suivre le deuxième niveau du cours que j’espère commencer à la session d’octobre prochain.