[3/4] EXPOLIVA 2025 : métaux lourds et phtalates

Phtalates - FRANCE OLIVE - AFIDOL

Trois chercheurs de l’Université de Jaén : Akram Charfi, Alberto José Moya López & Sebastián Sánchez Villasclaras ont publié en mars et présenté à Expoliva 2025 l’étude « Food safety in the production of olive oils. Presence of heavy metals and phthalic acid esters using different types of packaging », ou la présence de métaux lourds et d’esters d’acide phtalique dans différents types d’emballage. L’étude met en évidence la nécessité d’une surveillance rigoureuse des contaminants dans les huiles d’olive et l’importance de choisir des matériaux d’emballage appropriés pour assurer la sécurité alimentaire.

Résumé de l’étude

Cette étude examine la sécurité alimentaire des huiles d’olive en analysant la présence de métaux lourds et d’esters d’acide phtalique (PAEs) provenant de différents types d’emballages.

Des échantillons d’huiles commerciales ont été collectés au cours des campagnes 2021/2022 et 2022/2023 et stockés dans divers emballages (verre, polyéthylène téréphtalate, boîte en fer blanc, porcelaine/céramique, aluminium et carton ou TetraBrick). L’objectif était d’établir l’influence potentielle du matériau d’emballage sur la présence de composés contaminants, notamment les PAEs et les métaux lourds sur différentes catégories d’huiles (vierge extra, vierge, huile d’olive et huile de grignons d’olive).

Les résultats ont révélé la présence de phtalates tels que le Di(2-éthylhexyl) phtalate (DEHP), le Di-isobutyle phtalate (DIBP ) et le Di-isononyle phtalate (DiNP), principalement dans les emballages en PET, mais aussi dans le verre, la porcelaine et le carton. En ce qui concerne les métaux lourds, du cuivre a été détecté dans tous les échantillons testés, dépassant les normes (conf. réglementation ci-dessous) dans certains cas, notamment dans l’huile d’olive  vierge extra en verre et en porcelaine, ainsi que dans l’huile de grignons d’olive en PET. L’antimoine était absent dans tous les contenants testés.

L’étude souligne que le cuivre a également dépassé les limites établies, principalement dans les huiles premium issues de la récolte précoce. Cette donnée nous invite à  réfléchir sur la relation entre la qualité et la sécurité alimentaire, car dans de nombreux cas une grande importance est accordée à la récolte précoce pour optimiser les paramètres physico-chimiques et sensoriels des huiles, en négligeant le respect des normes de sécurité, en particulier en ce qui concerne les traitements phytosanitaires. Dans le cas du traitement cuprique, par exemple, qui comprend des composés tels que l’oxychlorure, l’hydroxyde ou le sulfate de cuivre, son application en tant que fongicide pour lutter contre l’œil de paon, coïncide généralement avec le début de la saison, souvent en octobre. Si la période de sécurité de 14 à 21 jours (selon le produit commercial) entre le traitement et la récolte n’est pas respectée, des résidus peuvent rester sur les fruits, ce qui expliquerait les concentrations élevées de Cu détectées dans certaines huiles d’olive vierge extra récoltées précocement.

Les phtalates

Présence de DEHP, Di-isobutyl phtalate et Di-isononyl phtalate détectée.
DEHP trouvé dans 6 des 18 échantillons, avec des concentrations allant de 0,1 à 0,23 mg/kg.
Les phtalates, en particulier le DEHP, sont plus fréquents dans les emballages en PET, mais aussi présents dans le verre, la porcelaine et le carton.

Les métaux lourds

Le cuivre a été détecté dans tous les échantillons, dépassant les normes dans certains cas (huile vierge extra en verre et porcelaine, huile de grignons en PET).
L’antimoine était absent dans tous les contenants.
Les niveaux de fer sont inférieurs aux limites réglementaires.
Des niveaux élevés de zinc ont été détectés, bien qu’ils ne soient pas actuellement réglementés.

Les emballages

Le type d’emballage influence la présence de contaminants. Le PET est un contributeur majeur aux phtalates, mais d’autres matériaux présentent également des risques.

Recommandations de l’étude

Il est recommandé d’établir des limites réglementaires spécifiques pour le DiNP et le DIBP, en plus de celles déjà en place pour le DEHP.  De plus, des méthodes d’application standardisées du zinc devraient être établies.

L’étude met en évidence la nécessité d’une surveillance rigoureuse des contaminants dans les huiles d’olive et l’importance de choisir des matériaux d’emballage appropriés pour assurer la sécurité alimentaire.

Les Phtalates

Les phtalates sont utilisés comme plastifiants dans la fabrication du PVC auquel ils confèrent une grande souplesse et flexibilité. Dans le cas des huiles et matières grasses alimentaires, le transfert pourrait avoir lieu lors du stockage de la matière première dans des containers plastiques en PVC (par exemple les olives avant pression) mais également lors du process et/ou du stockage des huiles. Pointé du doigt pour son rôle comme perturbateur endocrinien.

Sources potentielles :

  • Matériaux en contact avec l’huile : Emballages plastiques (bouteilles, bidons), joints, bouchons, tuyaux, bâches, conteneurs, équipements de transformation (tuyaux, filtres). Le transfert des phtalates des matériaux plastiques vers les denrées alimentaires, particulièrement les matières grasses comme l’huile, est bien connu.
  • Air ambiant : Les phtalates sont également présents dans l’environnement (matériaux de construction, revêtements). Un transfert par l’air vers les aliments exposés est possible, bien que les teneurs soient généralement faibles.
  • Autres sources : Certains pesticides ou auxiliaires technologiques peuvent contenir des phtalates, mais cela est moins documenté comme source majeure de contamination directe dans l’huile d’olive vierge.

Réglementation :

Il existe une législation européenne qui réglemente la présence de phtalates dans les huiles comme l’huile d’olive, à travers le règlement (UE) n°10/2011 sur les matériaux plastiques en contact avec les denrées alimentaires. Le dernier amendement (juillet 2023) a même renforcé les limites de migration pour plusieurs molécules comme le DBP, BBP, DEHP (avec des limites individuelles) et le DINP, DIDP (avec une limite de groupe). Pour plus de détails, voir le point 3 ci-dessous.

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32023R1442

La FDA autorise actuellement neuf phtalates dans les applications en contact avec les aliments (huit comme plastifiants et un comme monomère) pour la production de polymères destinés au contact alimentaire. En 2012, la France a adopté l’interdiction de certaines utilisations de deux perturbateurs endocriniens largement utilisés : le bisphénol A (BPA) et le plastifiant phtalate de di(2-éthylhexyle), ou DEHP.

Les métaux lourds

Sources potentielles :

  • Sol et environnement : Les olives qui tombent et sont ramassés à même le sol absorbent les métaux lourds présents. La pollution industrielle, les pratiques agricoles (utilisation de certains engrais ou pesticides contaminés), ou la proximité de zones minières peuvent enrichir le sol en métaux lourds.
  • Eau d’irrigation : Une eau d’irrigation contaminée peut également transférer des métaux lourds.
  • Équipements de production : Au cours de la récolte, du transport, du broyage et de la pressée des olives, ainsi que du stockage de l’huile, les équipements (machines, réservoirs, canalisations) en contact avec les olives ou l’huile peuvent libérer des métaux lourds s’ils ne sont pas fabriqués dans des matériaux adaptés ou s’ils sont corrodés. Le fer et le cuivre sont particulièrement concernés par ce type de contamination.
  • Pollution atmosphérique : La pollution de l’air peut déposer des métaux lourds sur les olives avant la récolte.

Réglementation :

Le Règlement (UE) 2023/915 de la Commission du 25 avril 2023 (qui a abrogé le Règlement (CE) n° 1881/2006) fixe les teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires, y compris les métaux lourds.
Cuivre (Cu) : La teneur maximale recommandée est de 0,1 mg/kg.
Fer (Fe) : La teneur maximale recommandée est de 3 mg/kg.

Des limites sont également fixées pour le plomb et l’arsenic. Plus de détails sur ces réglementations dans le point Aller plus loin.

!Il est important de noter que l’huile d’olive vierge, n’étant pas raffinée, ne subit pas de processus de purification qui pourrait éliminer une partie des contaminants, contrairement à d’autres huiles végétales. C’est pourquoi la maîtrise des sources de contamination est cruciale pour les producteurs d’huile d’olive vierge.

Les risques pour la santé des métaux lourds et des phtalates

Les métaux lourds comme le plomb, l’arsenic, le cuivre, le fer et l’antimoine peuvent contaminer les huiles d’olive vierges via l’environnement ou les matériaux de conditionnement. Le plomb et l’arsenic sont particulièrement toxiques, affectant le système nerveux et provoquant des dommages cellulaires. Le cuivre et le fer, bien que nécessaires en faible quantité, deviennent nocifs à fortes doses, provoquant troubles digestifs, hépatiques ou neurologiques. L’antimoine, issu notamment des emballages en PET, est lié à des troubles respiratoires.

Quant aux phtalates, substances issues des plastiques, ils sont suspectés d’agir comme perturbateurs endocriniens. Le DEHP et le DBP, notamment, peuvent altérer la régulation hormonale, nuire au développement fœtal et accroître les risques de maladies métaboliques, cardiovasculaires et de certains cancers. Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables à ces expositions.

Retrouvez l’article complet du Dr Akram Charfi sur les effets des métaux lourds et des phtalates sur la santé humaine : Métaux lourds et phtalates sur la santé 

Limites européennes sur les phtalates et les métaux lourds

Pour les phtalates.

Les limites de migration et les conditions d’utilisation des phtalates sont fixées dans le règlement (UE) n° 10/2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, qui inclut les huiles d’olive. La 16e modification du règlement, publiée en juillet 2023, a abaissé les limites de migration pour ces phtalates et a ajouté de nouvelles spécifications dans lesquelles le DBP, le BBP et le DEHP ont des limites de migration spécifiques individuelles et le DINP et le DIDP sont soumis à une limite de migration de groupe.

Les limites de migration spécifiques (LMS) sont détaillées ci-dessous.

Pour le DBP, la LMS = 0,12 mg/kg d’huile, 6 mg/kg d’huile pour le BBP et 0,6 mg/kg d’huile pour le DEHP.
En outre, une limite de migration spécifique totale (LMST) a été mise en œuvre pour l’ensemble des phtalates, qui comprend les sommes pondérées de DBP, DIBP, BBP et DEHP, en appliquant l’équation [2.1].
(5×DBP + 4×DIBP + 0,1×BBP+ 1×DEHP) = LMST1 = 0,6 mg/kg d’huile [2.1] En outre, et conformément à ce règlement, le DINP est associé au composé DIDP selon l’équation [2.2].

(DINP + DIDP) = LMST2 = 1,8 mg/kg d’huile [2.2].

Ces cinq phtalates, ainsi que d’autres substances (environ 20 au total), doivent respecter
une limite de migration spécifique au groupe (LMS(T)) de 60 mg/kg d’huile.

Pour les métaux lourds.

La teneur en métaux lourds des huiles est principalement réglementée par le CODEX STAN 193-1995 et le règlement(EU) n°2023/915, qui fixe les limites maximales autorisées pour certains métaux dans les denrées alimentaires. Selon ces règlements et le document IOC/T.15/NC no. 3/Rev. 19 (2022), le plomb, le cuivre et l’arsenic ont une limite maximale de0,1 mg/kg d’huile, tandis que le fer a une limite plus élevée de 3 mg/kg d’huile.

Sources :

L’étude « Food safety in the production of olive oils. Presence of heavy metals and phthalic acid esters using different types of packaging »
Akram Charfi, Alberto José Moya López & Sebastián Sánchez Villasclaras
Published: 20 March 2025

Phtalates. Auteur: ITERG Article présenté dans le cadre du programme Olea 2020 https://afidol.org/moulinier/phtalates/

Analysis of Plasticizer Contamination Throughout Olive Oil Production
https://www.mdpi.com/1420-3049/29/24/6013

Dr Akram Charfi Métaux lourds et phtalates sur la santé 

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