Maître Oliveron sur un arbre perché, cueillait en novembre ses olives… Maître Cornille par l’odeur alléché, lui tint a peu près ce langage : « portez donc en mon moulin vos vertes olives, qu’ensemble nous les pressions en cuvée traditionnelle au délicieux fruité noir ». C’est ainsi que depuis le XVIIème siècle, le Moulin Cornille recueille les olives de nombreux oléiculteurs des Baux-de-Provence pour les transformer en une huile unique au monde au arômes d’olive noire, de tapenade voire de cacao. Découverte de ce savoir-faire exceptionnel.
Le fruité noir
« Goût à l’ancienne », « cuvée traditionnelle », « huile d’olives maturées », « fruité noir »… Ce qui se cache derrière ces multiples dénominations, c’est un type d’huile d’olive produit quasi-exclusivement en France – et notamment dans les Baux-de-Provence – à partir d’olives vertes qui sont portées à maturation après la cueillette, en les laissant fermenter plusieurs jours avant de finalement les presser. Ce procédé unique confère à l’huile qui en résulte un fort goût d’olive confite, de tapenade, d’artichaut cuit, presque de sous-bois – qui est considéré comme le défaut du « chômé » dans les concours internationaux de dégustation d’huile d’olive. Mais c’est aussi un régal pour les aficionados, qui sont de plus en plus nombreux à ne jurer que par le fruité noir.
C’est pour conserver et faire reconnaître ce savoir-faire d’exception que Maître Cornille s’est battu en son temps contre les partisans de l’aseptisation et du modernisme, qui regardaient cette tradition comme un encombrant et malsain héritage du passé. En l’honneur de cet engagement, le moulin de la coopérative porte aujourd’hui son nom.
Premier secret du moulinier : la maturation des olives
Pour préparer cet élixir, le moulinier joue un rôle clé et, au Moulin Cornille, la recette se transmet de générations en générations. D’octobre à mi-décembre, le moulin tourne à plein régime, et les oléiculteurs-coopérateurs font la queue pendant des heures pour y apporter leurs olives encore vertes. Ces dernières sont pesées à l’arrivée puis directement montées sous les toits du moulin par une rampe pour être confiées aux experts de la maturation.
Dans un box appelé grenier, les olives du jour d’une même variété sont entassées, avec un ballon inséré au milieu qui permet de mesurer la température et l’humidité du tas. Elles vont y rester entre 2 et 8 jours, sous la surveillance du contrôle qualité. Cette phase de maturation des olives demande la plus fine maîtrise de la fermentation pour éviter de dépasser le stade voulu, et de ruiner le breuvage.
Les olives ainsi maturées sont ensuite envoyées entières – le noyau contient des conservateurs naturels – et avec quelques feuilles au moulin, pour être broyées lentement puis pressées. Le Moulin Cornille a certes investi il y a 3 ans dans une machinerie ultra-moderne, mais les réglages ont été adaptés pour reproduire le rythme ancien des énormes meules de pierres, bien plus lent que ce dont sont capables les broyeurs d’aujourd’hui.
Second secret du moulinier : l’assemblage
L’huile extraite de ces olives maturées est ensuite versée dans de grandes cuves en inox, protégée de l’oxygène par un peu d’azote. Elle y est décantée et non filtrée. Intervient alors la seconde partie de la recette magique du moulinier : l’assemblage des huiles de différentes variétés pour arriver au parfait équilibre de la « cuvée à l’ancienne » du Moulin Cornille. Les experts qualité testent les propriétés chimiques et organoleptiques de l’huile ainsi obtenue pour vérifier qu’elle répond bien à ce fameux « fruité noir », avant de la mettre en bouteille. Les huiles issues d’olives venant de la vallée des Baux-de-Provence reçoivent l’Appellation d’Origine Protégées (AOP), celles provenant de plus de 80 kilomètres sont dites « hors vallée ».
Le moulin des célébrités
Le Moulin Cornille est réputé à travers la France mais aussi le monde pour son huile d’olives maturées. Si près de la moitié des 150 000 litres produits chaque année est vendue directement au magasin du moulin, une partie est exportée au Japon, aux États-Unis ou encore à Dubaï. Cette notoriété vient de la qualité des produits, mais aussi des célébrités que compte le moulin parmi ses coopérateurs. Charles Aznavour apportait ses olives ici et une cuvée à son nom va bientôt sortir. Jean Reno est aussi de la partie. Et on espère que Pascal Obispo sera le prochain sur la liste de trituration ! Le « fruité noir » a aujourd’hui la cote chez les gourmands et le combat administratif pour préserver cette spécificité française semble porter ses fruits. Si bien qu’un petit malin a, dit-on, opportunément déposé la marque « fruité noir » et qu’elle ne peut plus être utilisée par les producteurs…
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Le Moulin Jean-Marie Cornille