Si les premiers oliviers en Nouvelle-Zélande remontent au XIXème siècle, ce n’est qu’à partir des années 1980 que les Néo-Zélandais ont commencé à consommer de l’huile d’olive autrement que comme un médicament digestif acheté en pharmacie. C’est à ce moment que la production locale d’huile d’olive vierge extra a commencé à se développer. Pourtant aujourd’hui elle ne couvre encore que 10% de la consommation néo-zélandaise. Comment expliquer cette inertie ?
Les prémices infructueux
Charles Darwin lui-même a consigné l’observation d’olives en Nouvelle-Zélande lors de son passage dans la colonie britannique en 1835, mais la plus vieille oliveraie du pays encore debout se trouve à Auckland, et date des années 1870. Elle y a été plantée par John Logan Campbell, l’un des pères fondateurs de la première capitale de Nouvelle-Zélande, qui souhaita recréer une atmosphère méditerranéenne dans le parc de sa demeure de One Tree Hill, et fit notamment planter 5 000 oliviers. Dont beaucoup se révéleront stériles par la suite…
Entre cette tentative infructueuse et la plantation des premières oliveraies modernes au milieu des années 1980, un siècle s’écoula sans que plus personne ne s’intéresse à l’oléiculture en Nouvelle-Zélande, ni à l’huile d’olive. Aujourd’hui, on compte près de 200 oléiculteurs en Nouvelle-Zélande, qui produisent près de 400 000 L d’huile d’olive par an. Mais cette activité reste coûteuse et attire peu de jeunes néo-zélandais car les conditions sont difficiles.
Un climat peu clément
Tous les producteurs que nous avons rencontrés en Nouvelle-Zélande sont catégoriques : le climat n’est pas vraiment adapté à la culture des oliviers.
D’une part, la pluie : avec une pluviométrie moyenne de 2 000 mm par an en Nouvelle-Zélande (contre 800 mm en Italie et 300 mm en Espagne), l’humidité ambiante des oliveraies favorise le développement de champignons, comme l’anthracnose ou l’œil de paon, qui peuvent mettre en danger les arbres et les fruits à tout moment.
D’autre part, le gel : une réelle menace au moment de la récolte, entre avril et juin, surtout sur l’île du Sud. Certains producteurs comme Mount Grey Olives, inspirés par la viticulture, se sont équipés de ventilateurs géants pour brasser l’air de leur oliveraie. Quand ils n’utilisent pas carrément des drones, comme Aquiferra, empruntés aux producteurs de pomme voisins. Et ceux qui ont tenté de presser les olives gelées avec le reste de leur récolte s’en sont mordu les doigts : la texture, le goût, tout est à jeter !
Enfin, le vent : les courants chauds qui arrivent d’Australie au moment de la floraison peuvent parfois stériliser les fleurs d’olivier, qui ne donneront pas de fruits.
Des rendements faibles
Dépourvus de tradition familiale, les oléiculteurs néo-zélandais ont appris leur métier via de courtes formations théoriques, mais surtout sur le tas, en expérimentant et en partageant avec d’autres horticulteurs. Leurs oliviers, jeunes d’une vingtaine d’années au mieux et à la floraison souvent biannuelle, restent peu productifs : entre 10 et 20 kilos d’olives par arbre, qui ont généralement un rendement en huile plus faible qu’en Europe.
En 1996, le gouvernement a soutenu la création de l’association Olives New Zealand, regroupant des oléiculteurs, des mouliniers, des distributeurs, et des experts, pour accompagner l’augmentation des rendements et la commercialisation d’huile d’olive extra vierge en Nouvelle-Zélande.
Entre 2016 et 2018, Olives NZ a financé le Focus Grove Project, une étude qui a conclu que les traitements chimiques et l’outillage mécanique permettraient d’augmenter la productivité des oliveraies. Aquiferra, que nous avons rencontré à Hawke’s Bay, fait partie des quatre producteurs témoins de cette étude et applique aujourd’hui à la lettre ces méthodes inspirées de la culture industrielle de la pomme : pulvérisation systématique d’antifongiques et d’herbicides, récolte mécanisées en secouant les arbres, etc.
Mais ces pratiques ne sont pas du goût de tous les producteurs. Certains, comme Matiatia Grove sur Waiheke Island, ont préféré prendre leurs distances avec l’association et continuent d’appliquer des méthodes plus naturelles.
Une activité coûteuse
Outre le coût élevé des terres agricoles en Nouvelle-Zélande, ces techniques de culture conventionnelles représentent un investissement financier considérable pour les oléiculteurs. Certains ne peuvent parfois plus suivre, et préfèrent alors arracher leurs oliviers pour les remplacer par des poulets ou des vaches, bien plus rémunérateurs sur le marché. Cette barrière à l’entrée explique que peu de nouvelles oliveraies voient actuellement le jour, et que les jeunes Néo-Zélandais ne se lancent pas dans l’aventure. Au grand regret des passionnés que nous avons rencontrés.
Les coûts de production de l’huile d’olive vierge extra de qualité en Nouvelle-Zélande restant élevés, a minima 12 NZ$ par litre selon Aquiferra, le prix de vente est nécessairement peu compétitif par rapport aux huiles d’olive australiennes voire espagnoles, importées pour 3 NZ$ le litre. Les huiles d’olives néo-zélandaises sont de fait vendues en petite quantité (250 mL), souvent pour faire des cadeaux, ou à des restaurateurs gastronomiques qui sont prêts à mettre le prix pour des produits fabriqués localement.
Le goût peu prononcé des Néo-zélandais
En Nouvelle-Zélande, depuis l’arrivée des Anglais, l’élevage laitier et le beurre sont rois. La cuisine locale est donc plus coutumière de cette matière grasse animale que de l’huile d’olive.
Les rayons des supermarchés fleurissent eux de diverses huiles végétales mélangées dans des sprays pour barbecue, qui ont le moins de goût possible. John de Mount Grey Olives nous confirme que le consommateur néo-zélandais n’est pas encore prêt pour des huiles au goût prononcé, « contrairement à vous autres italiens et français ».
La plupart des huiles d’olive produites en Nouvelle-Zélande sont ainsi très douces, et il n’est pas rare que, lors des dégustations à l’aveugle organisées par Margaret de Matiatia Grove, ses compatriotes jettent carrément leur dévolu sur une huile rance, qui leur rappelle les médicaments de leur enfance… Beurk !
Le chemin est donc encore long pour que la Nouvelle-Zélande devienne un producteur majeur d’huile d’olive. Il faudra le temps d’éduquer les palais, de trouver les variétés et techniques de productions adaptées au climat et d’en faire une activité rentable et attractive pour les jeunes générations.
EN UN CLIN D’ŒIL
- Origine : XIXème siècle
- Production : 400 tonnes d’huile d’olive par an
- Consommation : 4 millions L par an, 1L par habitant
- Régions de culture : Auckland, Hawke’s Bay, Wairarapa, Marlborough, North Canterbury, Central Otago.
- Nombre de producteurs : 200
- Nombre d’oliviers : environ 400 000
- Variétés principales : Frantoio, Leccino, Koroneiki, Picual, Manzanilla, Barnea, J2, J5.
- Récolte : début avril – fin juin
- Certifications : the OliveMark®, Extra Virgin Alliance (EVA)
Pour en savoir plus, toujours plus :
- Notre article sur les oliviers historiques de Nouvelle-Zélande
- Rencontre avec Margaret et John de Matiatia Grove
- Rencontre avec Bob et Shona de Aquiferra
- Rencontre avec John et Jane de Mount Grey Olives
- Olives NZ website
- Focus grove project – Aquiferra
- The OliveMark®
- Extra Virgin Alliance (EVA)
- Australian and New Zealand Olive Industry, 2016
Rencontres avec des producteurs néo-zélandais
Note sur les auteurs
In Olio Vertitas : Fascinés par l’Olivier, Mathilde et Matthieu parcourent la planète à la rencontre d’oléiculteurs pour saisir les enjeux de la culture, de la production et de la consommation d’huile d’olive. Retrouvez leurs découvertes et récits sur inolioveritas.org et www.instagram.com/inolioveritas.