Intrigués par l’intérêt qu’avait manifesté John Dodgson pour la région côtière de Hawke’s Bay et son climat (voir notre article précédent sur Mount Grey Olives), nous nous sommes rendus sur place et avons pris rendez-vous avec Bob Marshall et Shona Thompson, couple de sexagénaires qui exploite une petite oliveraie en bons élèves de l’agriculture conventionnelle. Retrouvez le spécial Nouvelle-Zélande L’huile d’olive en Nouvelle-Zélande, une production marginale ?
- Producteur : Bob Marshall & Shona Thompson
- Marque : Aquiferra
- Année : 2001
- Lieu : Hastings, Hawke’s Bay, Nouvelle-Zélande
- Oliveraie : 650 arbres sur 4 ha
- Variétés : Frantoio, Leccino, Koroneiki, Pictual, et un peu de Manzanillo, Kalamata, Picholine
- Récolte : fin mai, mécanique
- Production : 1200 à 1800 L par an
- Autres produits : huiles infusées et olives de table
In Olio Veritas – Bob et Shona, pouvez-vous nous raconter en quelques mots ce qui vous a mené à la culture de l’olive ?
Bob et Shona – Dans les années 1990, nous enseignions tous les deux les sciences du sport à l’université d’Auckland, et avons à un moment souhaité fuir l’agitation de la ville et trouver un lopin de terre à cultiver à la campagne. Histoire d’avoir un hobby qui nous permettent également de nous préparer à une retraite active (NdA : Bob a pris sa retraite en 2017 mais Shona continue d’enseigner). En 2001, nous avons trouvé ce terrain à vendre puis des postes d’enseignants à l’université locale. Nous avons donc fait planter les 650 arbres de notre oliveraie sur ce qui était auparavant un simple pâturage à bétail.
IOV – Comment vous êtes-vous formés et comment avez-vous choisi les variétés que vous avez plantées ?
Bob et Shona – Le frère de Shona est horticulteur dans l’industrie de la pomme. Il nous a beaucoup aidés à nous former, pour la taille des arbres notamment. Quant aux variétés, nous avons regardé ce qu’ont fait les producteurs qui s’étaient établis avant nous. La plupart avaient par exemple choisi de planter partiellement de la Barnea, mais cet arbre s’est avéré très peu adapté à la région : ils ont dû attendre 10 ans avant de voir les premiers fruits éclore. Nous avons donc totalement exclu de planter cette variété chez nous. En 2004, nous avons eu nos premiers fruits et en 2008 notre première récolte exploitable et commercialisable. Aquiferra était née !
IOV – Quelle est l’origine de ce nom ?
Bob et Shona – La rivière Ngaruroro coule à quelques kilomètres d’ici. Mais ceci n’est que la partie visible de la rivière, dont une autre branche court sous les terres et se déverse dans l’océan à plus d’un kilomètre des côtes. Ce cours sous-terrain draine les deux tiers environ du débit total de la rivière ! C’est ce qu’on appelle la poche aquifère Heretaunga, et nous en avons tiré le nom de notre huile.
IOV – Cette poche aquifère irrigue-t-elle directement vos oliviers ?
Bob et Shona – Nous nous en servons pour irriguer effectivement. Mais nous sommes situés sur la bordure de la poche, et nous devons donc pomper l’eau, à 25 mètres de profondeur environ. Sur certains terrains en revanche, il vous suffit de creuser quelques minutes pour que de l’eau sous pression jaillisse du sol comme un geyser ! Cet immense réservoir associé à un sol sédimentaire et un climat chaud et relativement sec font de Hawke’s Bay une des plaines les plus fertiles de Nouvelle-Zélande. La moitié des fruits et légumes cultivés et vendus dans le pays provient d’ici. Il y a aussi beaucoup de vignobles. Comme vous pouvez le voir, nous en sommes à vrai dire entourés ici !
IOV – Cela semble être un vrai pays de cocagne !
Bob et Shona – Il faut relativiser. Nous avons peu de gel, mais si le climat est relativement sec pour la Nouvelle-Zélande, il n’en reste pas moins assez humide dans l’absolu. Il y a donc de nombreux champignons susceptibles de se développer sur les branches, les feuilles ou les fruits. Je dis souvent que c’est la seule chose que les pépinières nous donnent sans nous le facturer…
IOV – Comment traitez-vous ce problème ?
Bob et Shona – Nous sommes dans une zone trop humide pour nous contenter de procédés biologiques. Nous pulvérisons donc des antifongiques. L’association des producteurs d’huile d’olive de Nouvelle-Zélande a conduit une étude de 2016 à 2018 dans 4 oliveraies du pays dont la nôtre, le Focus Grove Project, afin d’identifier les pratiques qui permettent d’accroître le rendement des arbres. Sur les 3 récoltes étudiées, avec 20 à 25 kilos de fruits par arbre en moyenne, nous avons systématiquement, et largement, dépassé le rendement des autres oliveraies, et le consultant horticole qui a supervisé l’étude a déclaré n’avoir jamais vu d’oliveraie plus saine que la nôtre dans le pays. Le rapport en a conclu que la pulvérisation d’antifongique était la meilleure solution compte tenu du climat trop humide de la Nouvelle-Zélande.
IOV – N’est-ce pas un peu contre-nature ?
Bob et Shona – C’est à nos yeux une condition sine qua non pour cultiver l’olivier avec ce climat. A 3 kilomètres d’ici, il y avait auparavant une très grande oliveraie, qui comptait plus de 18 000 arbres. Le rendement n’était pas suffisant et les propriétaires ont fini par arracher les oliviers, pour se lancer dans le poulet de plein air, plus rentable. Idem un peu plus loin : 4.000 arbres ont récemment été arrachés pour laisser la place à un élevage de cerfs.
IOV – Y’a-t-il d’autres obstacles à la culture des olives ici ?
Bob et Shona – Les oiseaux dans une certaine mesure. Ils sont attirés par les raisins très fruités des vignobles alentours et viennent parfois picorer nos olives, quand les vendanges sont achevées. Nous empruntons alors aux vignerons le dispositif qu’ils utilisent pour les faire fuir : de grands canons qui tirent à blanc mais dont le bruit effraie les oiseaux. A l’automne, entre les vignobles et les oliveraies, toute la région résonne de BANG BANG BANG.
IOV – Quels sont vos différents produits et vos canaux de distribution ?
Bob et Shona – Notre oliveraie nous permet de produire environ 1500 litres d’huile bon an mal an. Nous achetons aussi des olives à de petits producteurs de la région pour les presser avec les nôtres et augmenter le volume commercialisable. Nous produisons principalement de l’huile d’olive extra vierge mais nous faisons aussi des huiles d’olive infusées au citron, à la mandarine, à l’ail, au fenouil… Enfin nous exploitons quelques arbres de Kalamata et Manzanillo, que nous récoltons à la main, pour faire des olives de table. Nous vendons le tout à plusieurs restaurants, quelques épiceries fines et je me rends avec grand plaisir sur les marchés de producteurs à Napier et Hastings chaque samedi et dimanche de l’année.
Note sur les auteurs
In Olio Vertitas : Fascinés par l’Olivier, Mathilde et Matthieu parcourent la planète à la rencontre d’oléiculteurs pour saisir les enjeux de la culture, de la production et de la consommation d’huile d’olive. Retrouvez leurs découvertes et récits sur inolioveritas.org et www.instagram.com/inolioveritas.