Au large d’Auckland, se trouve la magnifique île de Waiheke. Les touristes et aucklandais en villégiature y affluent, mais ses collines et son climat très doux y ont aussi attiré de nombreux viticulteurs. D’autres ont préféré se tourner vers l’olivier, à l’instar de John et Margaret Edwards, dont l’huile d’olive extra-vierge est l’une des plus réputées de Nouvelle-Zélande. Près de 30 ans après la plantation de leur oliveraie, Margaret est aujourd’hui une personnalité reconnue dans l’univers de l’EVOO et la seule citoyenne néo-zélandaise exerçant en tant que juge au sein des grands concours internationaux de dégustation d’huile d’olive. Retrouvez le spécial Nouvelle-Zélande L’huile d’olive en Nouvelle-Zélande, une production marginale ?
- Producteur : Margaret et John Edwards
- Marque : Matiatia grove
- Année de création : 1991
- Lieu : Waiheke Island, Nouvelle-Zélande
- Oliveraie : 9 ha, 1000 arbres
- Variétés : Frantoio, Koroneiki, Maraiolo, Pendolino, J-5
- Récolte : manuelle, de fin avril à début juin
- Production : 3000 L par an
- Autres produits : huiles au citron et à la mandarine
- Spécificités : un des deux moulins de l’île leur appartient
In Olio Veritas – Margaret et John, comment est née cette oliveraie sur Waiheke Island ?
Margaret – Nous habitions à Auckland dans les années 1980, quand des amis nous ont invités à Waiheke. Nous sommes tombés sous le charme de cette île et nous y avons acheté une maison dix ans plus tard, avec un peu de terrain car l’envie de travailler la terre nous démangeait tous les deux.
John – L’île comptait déjà quelques vignobles et de rares oliveraies. Entre la vigne et les oliviers, nous n’avons pas longtemps hésité, d’autant plus qu’un vignoble coûte très cher à entretenir. Nous avons donc fait planter un millier d’arbres sur 9 hectares en 1991 et notre première récolte remonte à 1997.
IOV – Comment vous êtes-vous réparti le travail de ce nouveau hobby ?
John – Nous sommes très complémentaires ! Comme tout chirurgien, j’aime le travail manuel, et m’occupe avec plaisir de l’entretien de l’oliveraie ainsi que de notre moulin. Margaret de son côté, avec son passé de diététicienne, s’est consacrée à l’amélioration, année après année, de la qualité et des saveurs de nos huiles.
Margaret – En suivant également de nombreuses formations ici et à l’étranger : dès 2002, celle du Conseil Oléicole International (COI) en Italie, puis en bénéficiant pendant deux ans de l’enseignement d’un grand spécialiste de l’horticulture à l’université d’Auckland.
IOV – Matiatia Grove est une des huiles d’olive extra vierge les plus réputées du pays. Qu’est-ce qui la distingue des autres ?
John – Nous appliquons des méthodes de travail respectueuses des arbres et de l’environnement. Nous ne pulvérisons quasiment jamais de produits chimiques. Nous ne pouvons toutefois pas prétendre au label Bio car les vignobles qui nous entourent n’ont pas la même modération… Quant à la récolte, nous la faisons avec des peignes, qui abiment moins les oliviers que les vibrations de la récolte mécanique.
Margaret – Et John oublie de dire que le soin qu’il porte au moulin est primordial ! En période de récolte, il passe 4 heures avant chaque journée de presse à le nettoyer de fond en comble pour éviter que des résidus impurs ne viennent compromettre le goût des presses suivantes.
John – En effet, nous privilégions la qualité à la quantité. Nous attachons beaucoup d’importance à l’équilibre de nos assemblages. Et au-delà de la fabrication, nous sommes aussi très vigilants sur le stockage : l’huile est un produit qui, mal conservé, peut se détériorer très vite. Dès la sortie du moulin, nous plaçons l’huile dans des cuves inoxydables sous argon, un gaz inerte qui la préserve de l’oxydation, puis nous stockons ces cuves dans une chambre froide à 13°C. Nous ne conditionnons l’huile en bouteille et bidons qu’au gré des commandes. En gardant en tête qu’il faut tout de même la consommer le plus rapidement possible après sa fabrication.
IOV – Ce moulin justement : il semble très rare en Nouvelle-Zélande de posséder son propre moulin, surtout pour une exploitation de quelques hectares. Qu’est-ce qui vous a poussé à cela ?
Margaret – Nous avons acheté notre premier moulin dès 1997, l’année de notre première récolte. Je suppose que nous souhaitions connaître la satisfaction d’avoir assuré nous mêmes de A à Z la production de notre huile d’olive.
John – C’était un tout petit moulin, qui ne pouvait traiter que 50 kilos d’olives par heure, alors que nous en récoltions plusieurs centaines de kilos par jour. En 2008, nous l’avons remplacé par le moulin actuel, qui peut lui presser jusqu’à 500 kilos par heure.
Margaret – Ce qui nous a permis de presser les olives de plusieurs autres producteurs de l’île, ou même de particuliers qui ont quelques arbres sur leur terrain et souhaitent obtenir leur propre huile. Il n’y a qu’un seul autre moulin sur l’île, qui appartient à un vigneron qui fait aussi un peu d’huile d’olive. Au total nous pressons 45 tonnes d’olives par an, dont à peine 6 ou 7 tonnes sont les nôtres.
IOV – Margaret, parlons à présent un peu de vos activités de dégustatrice et juge en compétitions internationales d’huile d’olive. Comment avez-vous commencé ?
Margaret – Après ma formation auprès du COI en Italie en 2002, j’ai développé une passion pour la dégustation et ai continué à m’entraîner activement. La pratique et l’exercice sont vraiment la clef ! En 2004, j’ai mis sur pied et formé un panel de dégustateurs en Nouvelle-Zélande, qui a été reconnu par le COI dès 2005 : le pays disposait ainsi de son propre organisme de certification pour l’huile d’olive extra-vierge. Mais des bisbilles internes et des polémiques ont malheureusement écorné l’image du panel, qui a été démantelé en 2012. Depuis, nous devons envoyer nos échantillons en Australie pour obtenir la certification extra-vierge, ce qui nous coûte deux fois plus cher. Et le pays a perdu tous ses goûteurs et sa jeune expertise en la matière. Ironie de l’histoire, l’organisme de certification australien s’est vu retirer son accréditation il y a quelques mois. Nous ne savons pas où nous pourrons envoyer nos échantillons à l’avenir…
IOV – Il y a donc des dissensions au sein des producteurs d’huile d’olive en Nouvelle-Zélande ?
Margaret – L’association Olives NZ, qui a décidé du démantèlement du panel en 2012, compte deux fois moins de membres qu’il y a 10 ans, beaucoup ayant démissionné suite à cette affaire. D’une manière plus générale, il y a une fracture presque philosophique sur la vision du métier. Cette association a par exemple financé récemment une étude nommée Grove Focus Project (voir notre article sur Aquiferra) qui a une approche peu scientifique et dont la conclusion revient à dire qu’il faut pulvériser des pesticides sans compter pour augmenter les rendements. Avant la pluie, après la pluie… Je peux vous assurer que personne ici sur l’île de Waiheke ne suivra jamais ces recommandations !
IOV – Une question plus personnelle pour conclure : comment envisagez-vous la suite pour Matiatia Grove ? Vos enfants par exemple ont-ils manifesté le désir de prendre la relève ?
Margaret – Absolument pas ! Au contraire, comme nous approchons des 80 ans, ils nous exhortent depuis plusieurs années à lever le pied, ce que nous avons finalement fait cette année en cédant à un viticulteur les deux tiers de notre oliveraie. Nous n’avons conservé que 3 hectares et 300 arbres – mais les plus productifs ! Au-delà de notre cas particulier, c’est un problème qui touche tout le pays : très peu de jeunes souhaitent se lancer dans le marché de l’huile d’olive qui n’est pas assez rémunérateur, comparé à l’industrie laitière par exemple.
Note sur les auteurs
In Olio Vertitas : Fascinés par l’Olivier, Mathilde et Matthieu parcourent la planète à la rencontre d’oléiculteurs pour saisir les enjeux de la culture, de la production et de la consommation d’huile d’olive. Retrouvez leurs découvertes et récits sur inolioveritas.org et www.instagram.com/inolioveritas.