Portrait de Mount Grey Olives – Nouvelle-Zélande

  • Producteur : John et Jan Dodgson
  • Marque : Mount Grey Olives
  • Année : 2009
  • Lieu : Amberley, North Canterbury, Nouvelle-Zélande
  • Oliveraie : 7 Ha, 2000 arbres
  • Variétés : Leccino, Barnea, Frantoio, J-2, Manzanillo, Verdale
  • Récolte : en juin, mixte : peignes et mécanique
  • Production : 3000 L par an
  • Autres produits : huiles infusées, olives de table, savons et cosmétiques naturels

Le North Canterbury fait partie de ces régions de Nouvelle-Zélande qui ont vu s’implanter, au cours des 20 dernières années, vignobles et oliveraies. Si le sol est très favorable à ces cultures, et notamment à l’olivier, le climat l’est un peu moins, comme la plupart des oléiculteurs ont appris à le découvrir au fil des ans. Rencontre avec l’un d’entre eux, John Dodgson, dans son exploitation artisanale Mount Grey Olives. Retrouvez le spécial Nouvelle-Zélande L’huile d’olive en Nouvelle-Zélande, une production marginale ? 

In Olio Veritas – John, pouvez-vous nous raconter l’histoire de Mount Grey Olive en quelques mots ?

John Dodgson – Ma femme Jan et moi-même sommes Néo-Zélandais, mais avons beaucoup vécu à l’étranger, en Afrique du Sud et en Australie principalement. Au cours des années 2000, suite aux incendies à répétition dans la région de Melbourne où nous vivions, nous avons commencé à préparer notre retour au pays. Jan, qui s’était lancée dans la production de savons naturels à base d’huile d’olive, m’a convaincu qu’il serait formidable de trouver une oliveraie à reprendre en Nouvelle-Zélande pour qu’elle ait sa propre matière première sous la main. Nous avons cherché sans succès dans la région de Hawke’s Bay sur l’île du Nord, avant d’avoir une opportunité dans le North Canterbury et de sauter le pas, en 2009.

John et Jan dans leur oliveraie – © In Olio Veritas

IOV – Vous n’aviez donc pas de compétences ou de formation particulières en oléiculture ?

John – Oui et non. J’ai un PhD en horticulture et j’ai fait l’intégralité de ma carrière dans le domaine agricole, consacrant les dernières années à l’industrie de la pomme. La Nouvelle-Zélande en est l’un des leaders mondiaux ! J’ai d’ailleurs beaucoup voyagé en France pour cela : en Normandie, dans le Cher, l’Allier… Bref, je sais à peu près m’occuper des arbres. Mais il est vrai que l’olivier est très différent, et je me suis donc formé au fur et à mesure pour l’entretien de l’oliveraie, la taille des arbres, la récolte. J’ai une approche assez scientifique : je fais des expérimentations, j’essaie de reproduire ce qui semble fonctionner, et puis il y a une bonne collaboration entre les oléiculteurs de la région.

Les 1000 pieds de lavande de Jan côtoient les oliviers de John – © In Olio Veritas

IOV – Vous dites que vous auriez préféré trouver une oliveraie dans la région de Hawke’s Bay, pourquoi ?

John – Pour le climat, principalement. Ici dans le North Canterbury, nous avons généralement un printemps et un été propices, mais les choses se compliquent souvent à l’automne et l’hiver, ce qui correspond à la période de la récolte des olives comme vous le savez. Outre une forte humidité liée aux pluies fréquentes, nous sommes confrontés à de nombreux épisodes de gel, jusqu’à 12 jours par an avant que les olives ne soient réellement prêtes pour la récolte. Nos oliviers ont en moyenne une tolérance jusqu’à -3°C : en-dessous de cette température nous n’avons guère plus de 24 heures pour récolter, sans quoi l’olive meurt. Un producteur du coin a tenté une année de presser des olives qui avaient gelé : son huile a fini directement à la benne ! Dans la région de Hawke’s Bay, le climat n’est certes pas idéal non plus, mais il est tout de même plus doux.

Inspiré des vignobles, John s’est offert 4 ventilateurs antigel à 20 000 NZ$ chacun, mais doute aujourd’hui de leur efficacité… © In Olio Veritas

IOV – Pourquoi avoir planté des oliveraies ici alors ?

John – Les premiers à s’être installés ici n’avaient peut-être pas creusé suffisamment la question du climat. Puis d’autres les ont suivi. Au total, nous sommes une trentaine d’oléiculteurs dans la région. Tout n’est pas à jeter ici cependant. Le sol par exemple est très favorable : pierreux et drainant, il évacue l’eau rapidement ce qui est très bien pour l’olivier dont les racines n’aiment pas être baignées. Mais je considère tout de même que, pour la culture de l’olivier, la question du climat prévaut sur celle du sol.

Un sol caillouteux et drainant est favorable à la culture des oliviers. © In Olio Veritas (et ne venez pas nous voler cette belle photo !)

IOV – Y’a-t-il une région au climat particulièrement propice à l’olivier en Nouvelle-Zélande ?

John – Le climat néo-zélandais est dans son ensemble assez mal adapté à la culture de l’olivier, en raison de l’humidité ou du gel. Par exception, il y a deux plantations sur la péninsule de Banks, de l’autre côté de Christchurch, qui bénéficient peut-être de la meilleure combinaison sol – climat du pays : un terrain volcanique fertile et drainant, associé à un microclimat qui leur épargne le gel. En dehors de cela, j’ai la triste conviction que la culture de l’olivier en Nouvelle-Zélande restera marginale, en raison de ces facteurs climatiques.

Banks Peninsula et son relief volcanique. – © In Olio Veritas

IOV – Vous avez mentionné l’humidité comme un obstacle. Quel est le problème spécifiquement pour vous ?

John – L’humidité entraîne des maladies et surtout des moisissures, qui nuisent à l’arbre. Les plus fréquentes ici sont celles que vous avez aussi en Europe : l’oeil de paon, un champignon dont les spores sont répandus par la pluie et qui entraîne la chute des feuilles infectées, ainsi que l’anthracnose, un champignon qui affecte lui directement les olives. Nous avons aussi depuis très récemment dans la région la cochenille noire, un parasite qui loge et pond sur les branches et les feuilles. En revanche la Nouvelle-Zélande est pour l’instant à l’abri de la mouche ou xylella.

La cochenille noire de l’olivier est visible sur ce rameau d’olivier. © In Olio Veritas

IOV – Y’a-t-il un moyen de remédier à ces champignons ?

John – Je viens de l’agriculture conventionnelle, j’ai passé beaucoup d’années de ma vie à répandre des produits chimiques. Mais en m’installant ici, je me suis progressivement intéressé aux techniques plus respectueuses de l’environnement et notamment du sol. Si vous avez un sol sain, vous aurez des fruits sains et des animaux sains. Aujourd’hui je conseille de nombreux agriculteurs et horticulteurs de la région qui veulent se convertir au bio, ou tout du moins réduire leur usage de produits chimiques. C’est d’ailleurs ma principale activité professionnelle, l’oliveraie étant avant tout un hobby. Je conseille par exemple depuis 11 ans un agriculteur laitier, qui a réussi à passer au bio. Ses vaches se portent bien mieux qu’auparavant et produisent davantage. C’est même devenu le premier producteur laitier de la région !

Thomas et son pote désherbent les rangs d’oliviers – © In Olio Veritas

IOV – Et concrètement dans l’oliveraie ?

John – Pour lutter contre les moisissures par exemple j’essaie de désherber sous les rangées d’arbres, afin que l’humidité ne s’y accumule pas. On ne peut pas utiliser de moutons car les arbres sont trop jeunes et ils s’attaqueraient à leur écorce, et les deux chevaux que nous avons n’y suffisent pas, alors je tonds moi-même une partie, mais cela prend du temps, et dans certaines zones j’utilise encore un peu de round-up.

IOV – Du round-up ?

John – Oui je considère que c’est efficace et peu nuisible dans les proportions que j’utilise. Beaucoup font tester leur sol pour analyser le degré de contamination, mais les racines vont plus profond que les surfaces prélevées alors moi je fais analyser les feuilles des oliviers et les résultats sont dans la moyenne.

En effet, il ne reste pas un poil d’herbe… © In Olio Veritas

IOV – L’oliveraie est un hobby pour vous, mais qui semble vous prendre beaucoup de temps. Comment vous en sortez-vous ?

John – Difficilement ! L’entretien et la taille des arbres notamment prennent beaucoup de temps. Il y a quelques années j’ai jeté l’éponge dans certaines parcelles avant d’y revenir 2 ou 3 ans plus tard. Les arbres étaient hauts et très touffus, j’ai eu beaucoup de mal à les récupérer. Je reconnais que tout cela est un peu trop grand pour moi.

Et voilà le fruit de tout ce travail : 3000 L d’huile et des olives de table. © In Olio Veritas

 

Note sur les auteurs

In Olio Vertitas : Fascinés par l’Olivier, Mathilde et Matthieu parcourent la planète à la rencontre d’oléiculteurs pour saisir les enjeux de la culture, de la production et de la consommation d’huile d’olive. Retrouvez leurs découvertes et récits sur inolioveritas.org et www.instagram.com/inolioveritas.

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